Un petit chemin... ...armoricain
Publié le 13 décembre 2023, par Charles-Erik LabadilleL’Est armoricain
L’objectif de ces fiches est de mieux faire connaître le territoire et les paysages de L’Est armoricain. L’Est armoricain ? C’est un nom quelque peu paradoxal car lorsqu’on évoque le Massif Armoricain, on pense bien entendu à l’Ouest. Eh bien, l’ouest est exclu de ces fiches car la Bretagne et le département de la Loire-Atlantique (que, selon ses convictions personnelles, on associe ou non à la Bretagne) ont déjà fait l’objet d’une publication que nous ne pouvons reprendre ici pour une question de droits d’édition. Le lecteur intéressé peut retrouver ce territoire dans le guide « Roc’h de Bretagne » (CE Labadille 2017, 256 p.) disponible chez l’Éditeur breton Coop Breizh (voir la page Livre / CD de notre site).
Mais comme nous aimons le paradoxe, et qu’aucun éditeur normand ou ligérien n’est encore venu frapper à notre porte armoricaine, nous avons décidé de défendre ici la partie la moins populaire, et donc la plus méconnue d’un ensemble bien plus vaste que la seule Bretagne… Car combien sommes-nous à savoir qu’une bonne part de la Normandie est armoricaine, que les Pays-de-la-Loire ne sont pas en reste et même qu’une portion de Poitou-Charentes peut revendiquer son appartenance au grand massif ancien ! Alors, c’est bien cet Est armoricain que nos fiches vont tenter de présenter, dans l’espoir de gommer un peu plus l’injustice encore faite à un territoire aussi surprenant que passionnant.
Ces fiches sont avant tout une invitation à la randonnée, à la promenade, à la balade comme le souligne le titre de notre onglet : « Balades à l’ouest ». À l’ouest ? Eh bien oui, car si nous ne sommes pas tout au bout de l’ouest, tout à fait à la « Fin des terres » comme notre voisin le Finistère, nous sommes quand même bien à l’ouest, avec ce Cotentin qui, lui aussi, plonge ses falaises et baigne ses plages dans les eaux vertes et bleues de la Manche… L’idée de ces flâneries, c’est de prendre son temps, de mieux regarder, de mieux comprendre ce qui nous entoure et par où l’on passe…
Par où l’on passe ? Et pour commencer, pourquoi passer par le Massif Armoricain ? Parce qu’à la différence des grands plateaux un peu monotones de nos bassins sédimentaires (Bassin Parisien…), il y a là de la diversité, de la surprise, de l’étonnement ! La basse montagne peut offrir des paysages véritablement surprenants, crêtes, abrupts, torrents, landes sauvages, larges panoramas, activités originales…, il suffit simplement de savoir par où l’on passe…
Car en fait, le Massif armoricain, c’est également « l’empilement » singulier de trois anciennes chaînes montagneuses dont on pourra aller chercher les vestiges à droite, à gauche : Chaîne Icartienne, la plus vieille d’Europe ; Chaîne Cadomienne ; Chaîne Hercynienne, la petite dernière. Aller chercher à droite, à gauche ces « restes » de montagnes, ces ensembles de roches, c’est aussi partir à la découverte de reliefs et de végétations variés. À suivre ces chemins, vous aurez peut-être parfois des moments de petits bonheurs dus à cette vague impression de mieux connaître… …la planète !
Cet Est armoricain diffusé en « news letter » se compose d’environ 70 fiches, publiées régulièrement par groupe de 3 ou 4. Pour débuter le périple, une courte présentation des principales roches rencontrées s’impose : c’est une introduction très simple aux sciences de la terre mais qui devrait permettre de mieux comprendre les paysages, car la géologie influence largement leur nature. Ensuite, le voyage débute véritablement par le littoral, pour se poursuivre par les terres intérieures, de la Normandie (Manche, Calvados, Orne) à Poitou-Charentes (Deux-Sèvres), en passant par les Pays-de-la-Loire (Mayenne, Sarthe, Vendée, Maine-et-Loire). Précisons enfin que les fiches éditées par groupes sont téléchargeables gratuitement. En contrepartie, promettez-nous juste de faire, auprès de vos familles, de vos amis, un peu de promotion pour une région qui le mérite vraiment !
Les hautes terres des grès
Les grès armoricains...
Les grès armoricain du site de la Petite Chapelle à Mortain (Manche) par CEL
Certaines roches « marquent » plus les paysages que d’autres, et c’est bien le cas des grès et des poudingues. Pourtant, à l’origine, rien ne prédestinait ces roches meubles -des sables pour les premières, des sables et des galets pour les secondes- à se faire remarquer. Mais le temps, sur des millions d’années, en a décidé autrement et la sédimentation, la solidification et le plus souvent le métamorphisme, en ont fait des roches particulièrement dures ! Résistantes au marteau du géologue comme à l’érosion, elles se présentent à nos yeux en saillie, souvent sous forme de lourdes barres rectilignes crevant la gangue des prés et des bois. Elles portent les points culminants du Massif Armoricain et en sont tellement représentatives que des grès métamorphiques, les quartzites, en sont devenues les ambassadrices notamment sous le nom de « grès armoricains ». Elles le méritent car ce sont bien leurs lignes de hauteurs qui, encore de nos jours, confèrent au vieux massif son petit air de montagne !
Ces roches primaires (paléozoïques) arment la base d’anciens synclinaux en partie préservés et mis par la suite en relief par une érosion de type appalachien. Les poudingues d’âge cambrien (début du Primaire, d’origine détritique et composés d’éléments grossiers, sont de couleur « lie-de-vin », pourpre, rouge ou rosée. Les quartzites, à grains très fins et plutôt blancs-grisâtres, se sont déposés plus tard, à l’Ordovicien et au Silurien. Les deux roches, difficilement altérables, très siliceuses et très acides, n’engendrent que de maigres sols, pauvres et filtrants qui ne conviennent guère à la mise en valeur agricole. En revanche, ces milieux aux conditions sévères permettent le maintien d’habitats écologiques très particuliers et d’espèces adaptées à de fortes contraintes, donc souvent peu communes. Les terres des grès sont le domaine des landes, des pelouses naturelles et des tourbières qui feront le bonheur de bien des naturalistes.
PRENONS DE LA HAUTEUR !
Ces crêtes gréseuses nous donnent l’occasion de prendre un peu d’altitude et d’admirer, souvent à perte de vue, le patchwork touffu et coloré du bocage. L’idée de contemplation n’est pas nouvelle puisque, à la visite de ces points hauts, le promeneur remarque rapidement qu’ils sont bien souvent couronnés d’églises anciennes, de petites chapelles, ou tout simplement, quand les moyens sont moindres, d’une croix de pierre ou même en bois… En effet, ces lieux un peu plus proches du ciel incitent au recueillement. Peu valorisés du fait des âpres conditions qui y règnent, ces espaces sont également voués à la solitude… sauf aux périodes estivales où ils sont, pour la plupart, pris d’assaut par de nombreux touristes !
C’est que, outre les immenses paysages qu’ils offrent au regard, ces éminences comptent également parmi les « toits » du Massif armoricain, même si l’altitude, le plus souvent en dessous de 400 mètres, reste limitée.
LES PAYSAGES DES GRANITES
Comme les grès, mais pour d’autres motifs, les terrains granitiques méritent qu’on s’y arrête longuement et sont également une carte de visite essentielle des terres de l’ouest. En effet, ils sont caractéristiques du travail d’usure propre aux anciennes chaînes montagneuses, comme le Massif Central, les Vosges et, bien entendu, le Massif Armoricain. Cette longue érosion, sur des centaines de millions d’années, a permis la mise au jour, en surface, du socle cristallin profond, peu à peu dégagé de sa couverture sédimentaire, grès, schistes, voire calcaires… Avec le granite, nous « touchons » donc l’assise du vieux continent, ce fragment de croûte terrestre qui jadis commença sa lente dérive, des latitudes australes pour gagner sa position actuelle.
Au sein des chaînes jeunes, les Alpes et les Pyrénées, c’est la tectonique qui a porté le granite –beaucoup moins fréquent- aux plus hautes altitudes où il forme des arêtes et des pics hérissés (massif du Mont-Blanc…).
Dans les basses ou moyennes montagnes qui composent les massifs anciens, les paysages granitiques prennent souvent des formes arrondies, faites de lourdes croupes séparées par des vallées plus ou moins évasées, couvertes de bois, de landes ou de pâtures. Il n’est pas rare de rencontrer des amoncellements de blocs qui émaillent les sols des forêts et des herbages. Le lit des rivières est souvent encombré de rochers et tapissé de sables qui peuvent y former de petites plages. Certains secteurs en ont tiré leur célébrité : c’est le cas, par exemple, au sud du Massif Central, du Sidobre près de Castres (Tarn) ; ou en Bretagne, de Huelgoat vers les Monts d’Arrée… C’est que le granite, malgré sa prétendue « solide réputation », est assez propice à l’exacerbation des reliefs. Il est sensible en surface à l’altération, ensemble de phénomènes chimiques et physiques qui transforment les matériaux compacts en produits plus friables susceptibles de se désagréger. La roche se décompose sous la forme d’un sable argileux, l’arène granitique (du latin arena = le sable). Sur les plats, dans les creux, elle s’accumule jusqu’à former des emplâtres qui peuvent dépasser la dizaine de mètres ; avec la déclivité, elle est plus ou moins déblayée par l’érosion / évacuation (pesanteur, ruissellements…) qui joue alors son rôle de nettoyage.
Mais pourquoi ces empilements de rochers aux lignes plus ou moins courbes ? Au préalable, l’affleurement se présente sous forme d’une roche compacte mais parcourue par des fissures qui le traversent en tous sens et se recoupent plutôt perpendiculairement. Elles peuvent être occasionnées par des mouvements tectoniques, par des tensions internes dues aux changements de pression lors du rapprochement du granite de la surface… L’eau s’infiltre dans ces diaclases plus ou moins orthogonales, humidifie et dégrade peu à peu le granite sain. La roche qui est grenue (faite de grains, d’où son nom…) a, par la suite, tendance à s’émousser par ses coins, plus fragiles, et donc à s’arrondir : de là, la naissance de boules de dimension parfois imposante.
Mais pour expliquer ces paysages spectaculaires, faits de pittoresques tors -reliefs ruiniformes qui ressemblent à de vieilles « tours » délabrées- et de gigantesques chaos rocheux, il faut faire appel à une « recette » plus complexe : elle a mis en œuvre à la fois le temps long, le chaud, le froid, l’humidité, l’aridité et donc, en définitive, des climats révolus et leur incidence sur les sols et le sous-sol. Le « pourrissement » profond de ces derniers a été préparé durant les phases tropicales chaudes et humides de l’ère tertiaire où l’altération régnait en maître. Puis, au quaternaire, les alternances de périodes froides (glaciaires) et plus douces (interglaciaires) ont assuré le décapage de cette gangue et, par étapes, l’apparition au grand jour de reliefs qui défient l’entendement commun : de là de savoureuses légendes locales. Dans un autre genre que les grès, les paysages du granite sont donc bien singuliers. Ils méritent également une place à part, non pour leur altitude mais pour leurs formes originales faites de boules qui émaillent les pâtures, de tors, de gorges spectaculaires et de chaos rocheux…
L'eau vive...
L’Orne à la Pierre plate, gorges de Saint-Aubert (Orne) par CEL
LES GORGES TORRENTUEUSES
Il est clair que dans l’ouest, comme à l’accoutumée, les vallées sont souvent les plus impressionnantes : leurs versants escarpés contrastent avec la massivité des croupes et des plateaux. Dans le granite, les cours d’eau se sont ouverts, par endroits, des passages impressionnants. On peut les suivre parfois, en profitant d’une petite route, d’un sentier, d’un bois qui longent ces véritables « fils d’Ariane » prêts à nous ouvrir la voie des vieilles montagnes encore surprenantes…
En règle générale, il s’agit de torrents en tête de bassin, bien souvent petits, parfois même insignifiants, lesquels, pour certains, roulent leurs eaux vives dans un amoncellement d’énormes blocs qui encombrent leurs lits. Quelques-uns portent à peine un nom et l’on s’interroge pour savoir comment ces filets d’eau, disparaissant parfois sous les chaos rocheux pour réapparaître un peu plus loin sous forme de multiples cascatelles, ont pu entailler des gorges si profondes. Car ce sont bien de véritables gorges, en général encaissées d’une cinquantaine à une centaine de mètres dans les massifs granitiques qu’ils entaillent en véritables traits de scie.
Jadis, la circulation quotidienne des habitants ne devait pas être évidente car l’ensemble de ces fonds aujourd’hui sauvages et boisés était largement habité et labouré (moulins, murets de pierres sèches séparant les lopins…). De nos jours, la plupart de ces sites sont reconnus, bénéficient de statuts de conservation et sont bien signalés au public, souvent avec un aménagement pour le stationnement des véhicules. Néanmoins, les talwegs sont rarement desservis par des routes ; dans bien des cas, l’accès reste pédestre, chemins et layons sont caillouteux et pentus et toute course dans les gorges doit se solder par une remontée plus ou moins éreintante, ce qui d’ailleurs fait tout le charme de ces lieux enclavés et préservés.
Même si la Bretagne n’est pas concernée par ces fiches, on ne peut que difficilement passer sous silence, trois sites bretons exceptionnels, tant leur caractère pittoresque, voire grandiose, leur confère une aura qui dépasse largement les limites régionales. Ce patrimoine granitique hors du commun peut donc se résumer à trois destinations qu’il faut impérativement visiter. Il s’agit d’Huelgoat (Finistère) avec son chaos parcouru par la rivière d’Argent au nord-est du lac, presqu’en centre-ville ; des Gorges du Corong à Locarn ; et de celles de Toul Goulic pour le Blavet, à Trémargat et Lanrivain, deux somptueux chaos granitiques situés à l’est du département des Côtes-d’Armor.
Mais revenons au nord-est et à la (Basse)-Normandie où les gorges granitiques surprennent d’autant plus qu’elles entrent presque en contact avec de vastes ensembles tabulaires voués à la grande culture : ceux du Bassin parisien. La partie ornaise de la Suisse Normande est occupée par le massif granitique d’Athis-Putanges que l’Orne et son affluent sauvage, la Rouvre, entaillent profondément.
Une cinquantaine de kilomètres plus au sud, mais tout au nord des Pays-de-la-Loire, dans les Alpes mancelles, un autre cours d’eau de bon gabarit, la Sarthe, s’est « taillé » de splendides méandres encaissés dans le massif granitique de Saint-Pierre-des-Nids (Mayenne) et Saint-Céneri-le-Gérei (Orne).
Mais le massif Armoricain ne s’arrête pas là et, le saviez-vous, s’étend toujours plus au sud jusqu’à la Vendée et aux portes du
Massif Central… Alors, sautons le «grand» pas pour nous rendre dans le département des Deux-Sèvres. Là nous attendent également d’incroyables reliefs granitiques : chaos du bois de l’Ermite, chaos du Boussignoux et pourquoi pas, le fameux «nombril du monde» de Pougne-Hérisson !
LE MÉTAMORPHISME DE CONTACT ET LE MÉTAMORPHISME RÉGIONAL
Un point rapide s’impose sur la « métamorphose » des roches car nous allons parler de schistes trouvés aux Rochers de la Houle ; de cornéennes à Flamanville ou à La Courbe… ; de quartzites rencontrés à Domfront ou à Bagnoles-de-l’Orne… ; de gneiss icartiens de La Hague…, la liste s’allonge et pourrait bien laisser, faute d’explication, les visiteurs curieux sur leur faim ! Il ne s’agit pas non plus de « partir » dans de savantes démonstrations géologiques mais, le plus simplement possible, de mettre un peu d’ordre dans nos idées !
La terre est une planète « vivante » et même si ses mouvements sont plus ou moins lents, ils affectent les matériaux qui la composent. Depuis leur mise en place en surface, peu de terrains ont échappé à cette règle et nombre d’entre eux ont été remobilisés par des phénomènes géologiques et géographiques, déformés, enterrés, exhumés, transformés : voilà l’œuvre du métamorphisme. Il agit, dans les profondeurs de la terre, sur des roches à l’état solide sous l’effet essentiellement de la variation de pression (du fait de forces de poussée, du simple poids de la couverture rocheuse…) et de température (avec en moyenne une augmentation de 3°C tous les 100 mètres). Il se manifeste par la transformation des minéraux qui recristallisent et, bien souvent, par une déformation de la structure, avec apparition d’une schistosité (naissance de feuillets de composition minéralogique identique) ou d’une foliation (avec des minéraux qui se concentrent dans certains lits comme c’est le cas avec les micaschistes et les gneiss).
Simplifions. De cette manière et par métamorphisme croissant, les argiles deviennent des schistes, des micaschistes, des gneiss puis des migmatites ; les sables et les grès, des quartzites puis des gneiss ; les granites, des orthogneiss ; les diorites et les basaltes, des schistes, des amphibolites puis des pyroxénites. Le métamorphisme touche toutes les roches : sédimentaires, magmatiques mais aussi métamorphiques.
Dans le Massif Armoricain, cette métamorphose se manifeste tout autant au travers d’un métamorphisme de contact que d’un métamorphisme régional.
Le métamorphisme de contact concerne des terrains « chauffés » à la proximité immédiate d’une grosse « bulle » granitique ; les cornéennes (et schistes tachetés…) dessinent alors une auréole relativement étroite autour du magma concerné (qui deviendra du granite en refroidissant). Ainsi, bien des massifs granitiques sont entourés d’une auréole de roches surcuites, plus dures et de ce fait, souvent plus résistantes à l’érosion.
Le métamorphisme régional affecte les matériaux sur des surfaces et des épaisseurs bien plus importantes. Caractéristique des chaînes montagneuses et des boucliers anciens, il s’inscrit dans le cadre de mouvements tectoniques et suppose une forte élévation à la fois de la température et de la pression liée à l’enfouissement profond des matériaux.
Le métamorphisme régional s’est exprimé, par exemple, lors des mouvements de la surrection de la Chaine Cadomienne. Cette vaste entité montagneuse faisait alors partie d’un ensemble de « blocs » qu’on retrouve aujourd’hui dispersés sous différents noms (Cadomien, Avalonien…) en Europe, Afrique du Nord et Amérique du Nord. Ils constituaient une haute cordillère (comme aujourd’hui celle des Andes) dressée sur la marge nord du supercontinent du Gondwana. La « construction » de cette chaîne (en plusieurs épisodes s’étalant de 650 à 540 millions d’années) s’explique par le plongeon (subduction) du plancher d’un océan dit « Celtique » sous la plaque continentale du Gondwana (portant le Massif Armoricain…) située plus au sud.
Prenons un exemple caractéristique en Bretagne septentrionale où les importantes déformations cadomiennes ont laissé d’importantes traces : à l’est du Trégor, les perturbations (plissements, chevauchements…) associées à l’enfouissement plus ou moins profond des terrains ont induit un métamorphisme observable dans le pays de Saint-Brieuc et dans celui de Saint-Malo.
Dans ce secteur, le métamorphisme intervenant en fin d’orogenèse (vers 540 millions d’années) montre une intensité allant croissant du sud vers le nord, de l’intérieur des terres vers le littoral : au sud, d’abord des micaschistes ; puis des gneiss ; enfin des migmatites et des granites d’anatexie de Saint-Malo. L’anatexie (du grec anatêxis = fonte) est le stade ultime du métamorphisme qui consiste en la fusion plus ou moins complète de la roche. Pour les scientifiques, cette mutation de haute température résulte essentiellement d’un épaississement de la croûte terrestre imputable ici aux déversements et chevauchements des plis.
Les pays schisteux
Restons dans le métamorphisme, mais de moindre intensité avec la présentation de quelques lieux schisteux. Que les lecteurs écœurés par les sciences de la terre ne s’inquiètent pas : ils n’auront pas cette fois à subir une nouvelle leçon géologique capitale… Non ! Les quelques sites qui suivent ont plutôt été choisis pour la nature montueuse de leurs formes qui les inscrit de plein droit au panthéon des montagnes armoricaines. Mais cette nature qui vient d’être évoquée, cette morphologie, il faut bien l’avouer, est quelque peu paradoxale…
En effet, les schistes sont plutôt sensibles à l’érosion du fait de leur structure en feuillets (schistosité) qui se prête facilement à la desquamation. En règle générale, ils composent donc des paysages plats ou mollement ondulés dont la monotonie n’encourage guère à les mettre en exergue. Les agriculteurs leur ont pourtant trouvé des qualités (labours faciles, parfois profondeur des sols…) ce qui, d’un point de vue touristique, n’arrange pas pour autant « leur affaire » : ils sont souvent plats, occupent de vastes surfaces, couvertes de champs de maïs, de colza…
On est donc d’autant plus surpris lorsqu’un de ces ensembles se dresse fièrement, à l’instar de certains reliefs taillés dans les quartzites ou les granites, et affiche une désolation (un petit côté « sauvage ») qui fait plaisir à voir ! Trouver une explication rationnelle à la résistance de ces quelques exceptions à la règle reste chose délicate. Dans les cas les plus simples et les plus nombreux, c’est l’encaissement du réseau hydrographique qui a disséqué les plateaux et, par le contraste des dénivelées, a façonné des formes séduisantes (les Rochers de la Houle…). Dans d’autres lieux où le recours à la notice géologique est alors souvent nécessaire, la nature de la roche ou de la stratification peut être en cause. Il peut s’agir de couches schisteuses plus dures qui contiennent, en alternance, des bancs de quartzites : en Bretagne, c’est par exemple le cas des schistes à chloritoïdes et quartzites qui forment l’ossature déchiquetée des roc’hs des Montagnes Noires. Dans certains cas extrêmes, l’explication logique se fait attendre et c’est tant mieux car qu’y-a-t-il de plus excitant qu’un peu de mystère ?