Spirit of samba, version light, Laurent Voulzy 2017
Publié le 11 novembre 2023, par Charles-Erik Labadille
L'esprit de la samba...
La chanson « Spirit of samba », Laurent Voulzy, Alain Souchon, 2017, tonalité SOL majeur
« Spirit of Samba » n’est pas un album, c’est une chanson, mais c’est aussi un album à lui tout seul ! Pour cette raison, nous vous proposons de le « sortir » de son contexte, l’album « Belem » sorti en 2017, et de le présenter isolément du fait de son originalité. Car il faut dire dès l’entrée que cette chanson fractionnée par l’auteur en trois parties (et pour cause…) dure 18 minutes, ce qui implique déjà l’analyse d’un bon nombre de mesures et de portées !
Eh oui, c’est un nouveau medley qui, à l’instar du fameux « Rockcollection » met en musique et bout à bout des extraits de morceaux connus. D’ailleurs, on peut dire qu’avec les années, Laurent Voulzy est devenu un véritable spécialiste des pots-pourris ! Pourris ? Non, bien au contraire, car à notre grande satisfaction, il s’est attelé cette fois à reprendre des succès du répertoire brésilien, un répertoire pour lequel nous avouons avoir toujours eu un petit penchant. Ce medley tombait donc à pic pour compléter notre petit catalogue latin et, d’autant plus, qu’il pouvait également offrir un défi à des guitaristes : jouer d’une traite ce « Spirit of Samba » rassemblant d’excellentes chansons comme Partido Alto vulgarisé en France par Pierre Vassiliu ; Samba de Vérào chanté par Stacey Kent ou Diana Krall (So Nice) ; quelques belles mélodies du Dieu Antônio Carlos Jobim comme Insensatez interprétée entre autres par Sting ou Aguas de março popularisée chez nous par Georges Moustaki. Au total, onze reprises sont introduites et bien enveloppées par des couplets-refrains originaux (comme dans « Rockollection »), courtes liaisons à la Laurent Voulzy sur les jolis mots du vieux complice Alain Souchon.
L’approche de ce titre va donc être particulière car c’est certainement lui qui nous a révélé (un peu tardivement…) le travail de ces deux auteurs-compositeurs. Certes, nous avions déjà eu des velléités d’approfondir le sujet à l’écoute du remarquable album « Caché derrière » (Laurent Voulzy 1992). Mais nous ne nous étions pas lancé et c’est bien « Spirit of Samba » qui nous a véritablement joué un rôle de déclencheur et nous a engagé dans une analyse globale de l’œuvre de ces deux artistes, notre « chronique Souchon-Voulzy ». Alors, l’approche de ce titre va donc être un peu particulière, parce que, pour changer des rubriques précédentes et pour fêter « l’Esprit de la Samba », nous nous sommes dits qu’il pourrait être intéressant de nous mettre au service des musiciens et de « décortiquer » pour eux notre approche « guitaristique » de ce medley. Nous allons donc essayer de détailler chaque partie de la chanson, paroles et musique.
Pour nos autres lecteurs, mélomanes mais non musiciens, nous allons également proposer cette version « allégée » de toutes les considérations trop spécialisées.
Le gimmick de départ
Le gimmick d’intro, Laurent Voulzy 2017, extrait
Le gimmick d’intro, version acoustique, Salvéda 2023, démo
Laurent Voulzy est un familier des « gimmicks », ces petites phrases répétitives qui vont capter l’attention des auditeurs. Celle de Spirit of samba consiste plutôt en une courte cellule rythmique, construite sur une mesure. Jouée en boucle, elle débute le morceau et sera répétée régulièrement avant ou après les couplets-refrains.
Le couplet

Le couplet, Laurent Voulzy, Spirit of samba, 2017, extrait
Le couplet, version acoustique, Salvéda 2023, démo.
Le couple couplet-refrain s’intercale entre les différents morceaux brésiliens repris pour les annoncer. De construction simple (4 accords), il est en Sol majeur (ou Mim si vous préférez). Le rythme « bossa » permet un accompagnement acoustique assez fidèle. Tout au long du morceau, Alain Souchon nous livre quelques formules magiques dont il a le secret :
Aux douceurs des guitar’ tropical’ Bougent les fill’ occidental’ Pour le cœur la samba la samba c’est bien ; Les couleurs dans tes parol’ Calment la douleur de métropol’… ; Danseur solitair’ ou de Carnaval La vie appuie quelquefois où ça fait mal… ; L’amour unit l’amour sépar’ L’amour port’ en lui un petit poignard… ; Cœur blessé par l’amour qui ment Moi je connais le médicament Pour le cœur la samba la samba c’est bien...
Le refrain

Refrain, Laurent Voulzy, Spirit of Samba 2017, extrait
Refrain, version acoustique, Salvéda 2023, démo.
Le refrain est particulièrement simple (3 accords, Sol, Do, Ré), fidèle à la méthode Voulzy pour pouvoir être facilement mémorisé. La formule d’Alain Souchon « Et les gens malheureux le sont moins » permet de l’identifier. Elle traduit en quelques mots la dualité du Brésil où tristesse et grande pauvreté sont compensées par la folie et la richesse de la danse et de la musique : favelas et samba !
1 « Vocé abusou » (Antônio Carlos e Jocafi), 1972

Vocé abuso, Maria Creuza, 1972, extrait
Vocé abuso, version acoustique, Salvéda, 2023, démo
La chanson a été écrite en 1972 par un duo brésilien composé de Antônio Carlos Marques Pinto et de José Carlos Figueiredo, plus connus sous leur nom de scène de Antônio Carlos e Jocafi. La chanson a été popularisée par sa première interprète Maria Creuza. On se souvient que ce succès devenu planétaire a été adapté en français sous le nom de « Fais comme l’oiseau » chanté par Michel Fugain et le Big bazar.
Fais comme l’oiseau, Michel Fugain et le Big bazar
2 « Partido alto » (Chico Buarque), 1972

Partido alto, Chico Buarque, 1972, extrait
Partido alto, version acoustique, Salvéda 2023, démo
Partido alto a été écrit en 1972 par une jeune homme de 28 ans, Francisco Buarque de Hollanda, plus connu de nos jours sous le pseudonyme de Chico Buarque. C’est un intellectuel, auteur-compositeur et romancier contestataire qui s’est élevé contre le pouvoir politique de son pays à une époque où le Brésil était dirigé par une dictature militaire (de 1964 à 1985). On lui doit, aux côtés de Caetano Veloso et de Gilberto Gil, d’avoir créé vers la fin 1960 le genre Musique Populaire Brésilienne (MPB) en mariant les rythmes de la samba, de la bossa, du jazz et du rock.
À l’origine, le partido alto est une forme spécifique de la samba que l’on pratique lors de réunions d’échange où les anciennes et les nouvelles sambas sont jouées. L’accompagnement est assuré par des cavaquinhos, petites guitares à 4 cordes, des pandeiros, sortes de tambours sur cadre, des rebolos, tambours basses et d’autres percussions. Ce partido alto peut également être joué lors de défilés de rue par des ensembles de percussions, les batucadas.
Partido alto a été popularisé en France par Pierre Vassiliu en 1974 sous le nom de « Qui c’est celui-là ».
Qui c’est celui-là, Pierre Vassiliu, 1974, extrait.
3 « Fio Maravilha » (Jorge Ben Jor), 1972

Fio Maravilha, Jorge Ben Jor, 1972, extrait
Fio Maravilha, version acoustique, Salvéda, 2023, démo
L’auteur de ce succès est bien différent du précédent. Il est né dans une favela de Rio, s’est passionné pour le foot, a même intégré l’équipe junior du Flamengo de Rio, s’est lancé dans une samba colorée de rock, de funk et… même de variété.
En 1972, Jorge Duilio Lima Menezes, dit Jorge Ben Jor pour faire plus simple (et Junior pour ne pas être confondu avec « l’inconfondable » et inégalable George Benson) décroche un tube international avec ce titre à la gloire de Fio Maravilha, l’avant-centre du Flamengo de Rio. Ce n’est d’ailleurs pas son coup d’essai et nous verrons que Laurent Voulzy reprend dans son medley pas moins de 4 titres de ce chanteur-auteur très populaire au Brésil.
En 1973, « Fio Maravilha » devient célèbre en France grâce à l’adaptation qu’en fait la chanteuse Nicoletta.
Fio Maravilha, Nicoletta, 1973, extrait
4 « Pais tropical » (Jorge Ben Jor), 1969

Pais tropical, Jorge Ben Jor, 1969, extrait
Pais tropical,version acoustique, Salvéda 2023, démo
Nous continuons avec Jorge Ben Jor et ce tube qui consacre sa carrière en 1969. Attention, le rythme est soutenu, les passages d’accords fréquents (le plus souvent tous les deux temps) et le débit des paroles ne permet pas une petite sieste !
5 « Samba de vérao » (So nice) (Marcos et Paul Sérgio Valle), 1964

Samba dé vérao, Marcus Valle, 1964, extrait
Samba dé vérao, version acoustique, Salvéda 2023, démo
« Samba dé vérao » est devenu un standard de la bossa nova et du jazz, connu également sous le nom de son adaptation anglaise « So nice » (ou encore « Summer Samba »). La version originale est de Marcos Valle et de son frère Paulo Sérgio Valle pour les paroles portugaises, l’adaptation anglaise est de Norman Gimbel. La chanson qui a fait par la suite le tour du monde a été enregistrée la première fois par le trio de Sergio Mendes et la chanteuse Wanda de Sah. Marcos Valle confesse avoir écrit la chanson dans sa chambre avec son frère, en 1964. La maison de leurs parents à Rio était près de la plage, les deux jeunes hommes rêvaient de surf, de filles et écoutaient beaucoup de bossa-nova… Ce titre a été chanté par de nombreux interprètes, notamment Diana Krall, et Stacey Kent en duo avec Marcos Valle.
En France, Marcel Amont en a fait en 1967 une adaptation sous le nom de « Samba d’été ».
6 « Mas que nada » (Jorge Ben Jor), 1963

Mas que nada, Jorge Ben Jor, 1963, extrait
Mas que nada,version acoustique, Salvéda, 2023, démo
Allez ! Retour sur Jorge Duilio Lima Menezes. Il est jeune, il est beau, il sent bon le sable chaud, de Rio… Nous sommes en 1963, il ne s’appelle pas encore Jorge Ben Jor et il sort son premier disque intitulé Samba Esquema Novo avec, entre autres, Mas que nada reprise par Sergio Mendes, une première réussite !
7 « Insensatez » (Antônio Carlos Jobim, Vinicius de Moraes), 1961


Insensatez, Antônio Carlos Jobim, Vinicius de Moraes, 1961, interprété par Vanessa Moreno, extrait
Insasatez, version acoustique, Salvéda 2023, démo
Ralentissement rythmique, guitare plus fluide et arpégée, voilà la langueur monotone des cordes de l’automne… Insensatez a été composé par les « pères » de la bossa nova, le fabuleux compositeur Antônio Carlos Jobim dit Tom Jobim et le poète Vinicius de Moraes. En fait, le morceau est une adaptation jazzistique du thème du Prélude Op.28 n°4 de Frédéric Chopin. Le titre, adapté en anglais en 1964 par Norman Gimbel sous le nom de How Insensitive (à quel point insensible), devient un standard, repris entre autres par Astrud Gilberto, Joao Gilberto, Ella Fitzgerald, Frank Sinatra, Sting, Diana Krall, Stacey Kent… Henri Salvador en fera une adaptation française en 2006 sous le nom de « Les amours qu’on délaisse », suivant celles de Richard Anthony et Sacha Distell intitulées « Quand tu m’as parlé ». Nous vous proposons ici la belle version acoustique, en brésilien de Vanessa Moreno.
Les amours qu’on délaisse, Henri Salvador, 2006, extrait
8 « Aguas de março » (Antônio Carlos Jobim), 1972

Aguas de Março, Antônio Carlos Jobim, 1972, extrait
Aguas de Março, version acoustique, Salvéda, 2023, démo
Venons-en à nos « Eaux de mars ». Et pourquoi nos « Eaux de Mars » ? Parce que c’est le nom de l’adaptation française de la chanson interprétée par Georges Moustaki en 1973. Cette version a été réalisée à la demande-même de Jobim qui a participé à la traduction des paroles en français ! Car « Aguas de março » est bien un titre d’Antônio Carlos Jobim composé et écrit l’année précédente.
Les eaux de mars, Georges Moustaki, 1973, extrait
Ce morceau qui a parcouru la terre entière a été nommé par des artistes et des journalistes « meilleure chanson brésilienne de tous les temps » et Chico Buarque lui-même l’a considérée comme la plus belle chanson du monde ! Jobim dit l’avoir écrite suite à une promenade faite avec sa femme au mois de mars. C’est, au Brésil, le début de l’automne où les pluies abondantes s’invitent dans les paysages qu’elles façonnent sans modération. La chanson est construite sur une énumération d’images présentées grâce à une formule de style, l’anaphore, consistant à commencer les vers par le même mot pour obtenir un effet d’insistance. Jobim choisit la répétition du « É » (en portugais du Brésil) qui signifie « C’est… » en français :
« c’est la saison des pluies, c’est la fonte des glaces,
ce sont les eaux de Mars, la promesse de vie… ».
Le premier single avec Aguas de março s’intitule « O Tom de Antonio Carlos Jobim e o Tal de João Bosco » et date de mai 1972 : sur la pochette assez cocasse, on y voit un musicien dont le pupitre est… le derrière rebondi d’une jeune personne !
9 Taj Mahal (Jorge Ben Jor), 1972

Taj Mahal, Jorge Ben Jor, 1972, extrait
Taj Mahal, version acoustique, Salvéda, 2023, démo
Et nous revoilà avec Jorge Ben et son fameux « Taj Mahal » enregistré en 1972. La chanson est un hommage au mausolée de marbre blanc, joyau de l’architecture moghole construit au XVIIe siècle à Agra (Uttar Pradesh, Inde) par un empereur musulman en mémoire de son épouse.
Cette reprise se termine sur un long instrumental (2min 25) construit sur le seul accord et ses variations. Laurent Voulzy y invite ses vieux démons, synthés tenus, synthés en boucles répétitives d’abord sur fond de percussions, genre « école de samba », puis sur ambiance éthérée où s’inscrivent des chœurs presque religieux… Un couple de deux mesures (Do7M et Sol7M) introduit la séquence suivante et va servir de support, jusqu’à la fin du medley, à Samba da bençao et Samba Saravah qui est l’adaptation française de la première.
10 Samba da bençao (Baden Powell, Vinicius de Moraes), 1963 11 Samba Saravah (Pierre Barouh), 1966

Samba da bençao, Baden Powell, Vinicius de Moraes, 1963, extrait
Samba da bençao – Saravah, Laurent Voulzy, Philippe Baden Powell, 2017, extrait
Samba da vençao et fin, version acoustique, Salvéda, 2023, extrait
Tou tou wouap ! Tout ou wouap ! Donc seulement deux accords et une onomatopée répétitive pour cette Samba da bençao composée par le fabuleux guitariste Baden Powell. Le poète Vinicius de Moraes, pour sa part, nous apprend dans les paroles ce qu’il faut pour faire une bonne samba :
« Il vaut mieux être heureux que triste
Le bonheur est la meilleure chose qui existe
C’est comme la lumière dans le cœur
Mais pour faire une belle samba
Il faut un peu de tristesse
Sinon, tu ne peux pas faire de samba… »
Traduction des premiers vers de « Samba da bençao »
Laurent Voulzy nous apprend quant à lui, dans une interview donnée à France-Info en 2017, que l’idée de ce medley a germé lorsque Philippe Baden Powell, le fils du guitariste, lui a livré son intention d’enregistrer une version brésilienne de « Rockollection » et d’autres titres ; si le projet ne s’est pas fait, en revanche l’idée conservée dans les tiroirs s’est transformée, quelques années plus tard, en ce « Spirit of samba ». Et, naturellement, on y entend le pianiste-chanteur tout juste cité (Philippe Baden Powell) chanter l’extrait choisi de Samba da bençao.
Laurent voulzy lui donne la réplique avec les mots de l’adaptation française du morceau :
« Mais quel que soit le sentiment qu’ell’ exprim’
Ell’ est blanche de formes et de rim’
Blanche de formes et de rim’
Ell’ est nègre bien nègre dans son cœur ».

Samba saravah, Pierre Barouh, 1966, extrait
Cette adaptation, on la doit à Pierre Barouh qui l’intitulera « Samba Saravah » (1966). Et les noms de cette Samba bençao-Saravah et de Pierre Barouh vont devenir célèbres avec un film emblématique auxquels ils vont être associés. Palme d’or à Cannes en 1966, c’est Un homme et une femme de Claude Lelouch. « Samba bençao-Saravah » est en bonne place dans la Bande Originale du film, tout comme, bien entendu, le thème principal « Un homme et une femme », musique de Francis Lai, paroles de Pierre Barouh, interprété par ce dernier et Nicole Croisille : « Cha ba da ba da, cha ba da ba da… ». Mais ce n’est pas tout. Pierre Barouh joue dans le film Pierre Gauthier, cascadeur disparu dans un accident et mari d’Anne (Anouk Aimée) obsédée par son souvenir. Cela n’empêchera pas, dans la vraie vie, Pierre Barouh et Anouk Aimée de se marier, car comme le dit si bien Laurent Voulzy pour conclure sa chanson sur les accords de SOL, RÉ, DO, SOL qui reviennent en toute fin :
« Et les gens malheureux le sont moins… »,
avec un peu de samba, bien entendu !
Esprit bossa, Salvéda, CE Labadille 2021

Ce devrait être enfin le moment de recoller tous les petits bouts de samba et de vous livrer l’audio de la version complète du medley de Laurent Voulzy et Alain Souchon. Après réflexion, nous avons choisi de ne pas le faire, ne serait-ce que pour faire gagner quelques sous aux auteurs en vous conseillant d’acquérir le CD « Belem » ! Et puis aujourd’hui, si on le souhaite, on peut écouter tout ce qu’on veut sur YouTube, ou via les plateformes de musique en ligne comme Deezer, Spotify… Alors, à vous de jouer, ou plutôt d’écouter…
Pour notre part (Salvéda), notre objectif était atteint et, à la fin de l’exercice de déchiffrage, nous avons été ravis de pouvoir interpréter d’une seule foulée et à la guitare sèche les 18 minutes du medley Spirit of Samba, et surtout les 11 titres brésiliens qu’il rassemble. Ravis mais tout de même un peu frustrés, car le Maître avait oublié, ou n’avait pas choisi (on ne peut pas tout mettre non plus dans un seul titre…) quelques chansons incontournables qui nous tenaient à cœur ! Alors, on s’est dit qu’on allait le faire, ne serait-ce que pour ajouter « en douce » (ou en douceur…) ces standards à notre répertoire.
Avouons que ce nouveau challenge était guidé par deux autres objectifs. Le premier était de nous frotter, au niveau de la composition, au style du « pot-pourri » où le choix de la tonalité des « reprises », dans l’arrangement, devient fondamental (car il faut que le morceau reste « jouable » et chantable !). Le second était de rendre un hommage à peine voilé à Laurent Voulzy et Alain Souchon pour leur « invention », c’est-à-dire un style de medley personnalisé, approprié par ses concepteurs par l’introduction de séquences de liaison (entre les différentes reprises) où les auteurs développent une idée (la musique qui adoucit la vie pour Spirit), ou même révèlent une part de leurs (nos…) existences (la musique et les souvenirs dans Rockollection). Dans notre medley, notre hommage au parolier se révèle par le nom du héros, Toto (c’est ainsi que me surnommait mon père, quand ce n’était pas Dudule, Didi…), comme ce Toto 30 ans, rien que du malheur…, 4ème album d’Alain Souchon sorti en 1978. Notre révérence au musicien Laurent Voulzy transparait par le choix de la dernière reprise (La baie des fourmis), la seule à ne pas être composée par Jobim ou Gilberto, un petit clin d’œil…

Esprit Bossa, CE Labadille et Salvéda, 2021
Donc, pour conclure cette séquence sur les medleys, voici non pas « Spirit of Samba » mais « Esprit bossa » en intégralité, mais en trois sections car le morceau fait tout de même 11 minutes 32…
Le titre de notre « pot-pourri » l’indique, il s’agit cette fois de faire honneur à la bossa-nova, un style que, pour notre part (grands romantiques un peu mélancoliques, solitaires…) nous avons toujours préféré à la Samba (joyeuse, plus rythmée et festive).
Car la différence entre les deux styles, sinon ce qui vient d’être dit, n’est pas évidente… D’ailleurs, à notre sens, Insensatez, So nice, aguas de março, et Samba da bençao rassemblées par Spirit sont plutôt des bossas…

Pour faire simple, la bossa nova est un croisement entre la samba et le jazz cool né au début des années soixante. Bossa, en portugais du Brésil signifie « Bosse » et bossa nova peut se traduire par « nouvelle vague ». Wikipedia nous dit que « la bossa nova est inventée à la fin des années 1950 par un groupe composé principalement du compositeur Antônio Carlos Jobim, du chanteur et guitariste Joào Gilberto et du poète Vinicius de Moraes. » Difficile d’être plus concis et tout est dit ! Ces jeunes novateur, ouverts aux influences nord-américaines, recherchent une autre façon d’interpréter la musique brésilienne, notamment en reniant le cadre des sambas de type « carnaval », avec usage massif des percussions, harmonies standardisées et paroles plutôt variétés (amoureuses).
Nos trois « fondateurs » se trouvent réunis dans le premier disque de bossa nova « Cançào do amor Demais » enregistré par la chanteuse Elizeth Cardoso en 1958. Dans un des morceaux, « Chega de Saudade » (Jobim / Moraes), on entend la guitare de Joào Gilberto avec sa rythmique syncopée si particulière, créant un décalage permanent entre l’accompagnement et le chant. Ce sera la « signature » du style « bossa ». Le succès viendra rapidement, avec les albums de Joào Gilberto et du saxophoniste Stan Getz : « Jazz Samba » (1962) et « Getz/Gilberto » (1963) dont le premier titre « Garota de Ipanema » conduira à l’influence planétaire de la bossa nova.

Pour conclure, passons à nos choix pour cet « Esprit bossa » qui rassemble 6 extraits : The girl from Ipanema, So danço samba, Ho ba la la, Samba de uma nota so, Corcovado et La baie des Fourmis. Ces titres marquent bien sûr notre volonté de rendre hommage au fabuleux compositeur, Antônio Carlos Jobim (1927-1994) et au merveilleux guitariste et interprète, Joào Gilberto (1931-2019).
The girl from Ipanema, Jobim / Moraes, 1962. C’est le « tube » mondial de la bossa nova. La fille en question s’appelait Heloisa Pinheiro, avait 17 ans, vivait à Ipanema et passait chaque jour pour aller à la plage devant le bar Veloso où Jobim et Moraes avaient leurs habitudes…
So danço samba, Jobim / Moraes, 1962.
Ho ba la la, Gilberto, 1958. Joào Gilberto est surtout un interprète remarquable et très original. Miles Davis disait de lui qu’il pouvait « bien sonner en lisant l’annuaire ». En revanche, Gilberto est un compositeur peu prolixe (Bim-Bom, Undiù…), à l’inverse de Jobim. Il nous a paru intéressant de faire figurer une de ses rares compositions dans ce medley.
Samba de uma nota so, Jobim / Mendonça, 1960. À propos de cette note unique, Joào Gilberto a toujours parlé modestement de son invention (la bossa) comme d’« une petite samba faite d’une seule note ».
Corcovado, Jobim, 1960. Pour ceux qui n’ont jamais mis les pieds au Brésil, comme nous chez Salvéda, le Corcovado, c’est le grand Christ en croix qui domine la baie de Rio.
La baie des Fourmis, Souchon / Voulzy, 2014. Une chanson tranquille, épurée, allusive, intimiste, impressionniste, comme toutes les bossas… Mais cette fois, la mer a changé, c’est la Méditerranée avec laquelle on vous laisse, les pieds dans l’eau !
La baie de Rio de Janeiro par Hérodote
