Spirit of samba, Laurent Voulzy 2017, version musicale
Publié le 9 novembre 2023, par Charles-Erik Labadille
L'esprit de la Samba...
La chanson « Spirit of samba », Laurent Voulzy, Alain Souchon, 2017, tonalité SOL majeur
La baie de Rio par France-Info
« Spirit of Samba » n’est pas un album, c’est une chanson, mais c’est aussi un album à lui tout seul ! Pour cette raison, nous vous proposons de le « sortir » de son contexte, l’album « Belem » sorti en 2017, et de le présenter isolément du fait de son originalité. Car il faut dire dès l’entrée que cette chanson fractionnée par l’auteur en trois parties (et pour cause…) dure 18 minutes, ce qui implique déjà l’analyse d’un bon nombre de mesures et de portées !
Eh oui, c’est un nouveau medley qui, à l’instar du fameux « Rockcollection » met en musique et bout à bout des extraits de morceaux connus. D’ailleurs, on peut dire qu’avec les années, Laurent Voulzy est devenu un véritable spécialiste des pots-pourris ! Pourris ? Non, bien au contraire, car à notre grande satisfaction, il s’est attelé cette fois à reprendre des succès du répertoire brésilien, un répertoire pour lequel nous avouons avoir toujours eu un petit penchant. Ce medley tombait donc à pic pour compléter notre petit catalogue latin et, d’autant plus, qu’il pouvait également offrir un challenge à des guitaristes : jouer d’une traite ce « Spirit of Samba » rassemblant d’excellentes chansons comme Partido Alto vulgarisé en France par Pierre Vassiliu ; Samba de Vérào chanté par Stacey Kent ou Diana Krall (So Nice) ; quelques belles mélodies du Dieu Antônio Carlos Jobim comme Insensatez interprétée entre autres par Sting ou Aguas de março popularisée chez nous par Georges Moustaki. Au total, onze reprises sont introduites et bien enveloppées par des couplets-refrains originaux (comme dans « Rockollection »), courtes liaisons à la Laurent Voulzy sur les jolis mots du vieux complice Alain Souchon.
L’approche de ce titre va donc être particulière car c’est certainement lui qui nous a révélé (un peu tardivement…) le travail de ces deux auteurs-compositeurs. Certes, nous avions déjà eu des velléités d’approfondir le sujet à l’écoute du remarquable album « Caché derrière » (Laurent Voulzy 1992). Mais nous ne nous étions pas lancé et c’est bien « Spirit of Samba » qui nous a véritablement joué un rôle de déclencheur et nous a engagé dans une analyse globale de l’œuvre de ces deux artistes, notre « chronique Souchon-Voulzy ». Alors, l’approche de ce titre va donc être un peu particulière, parce que, pour changer des rubriques précédentes et pour fêter « l’Esprit de la Samba », nous nous sommes dits qu’il pourrait être intéressant de nous mettre au service des musiciens et de « décortiquer » pour eux notre approche « guitaristique » de ce medley. Nous allons donc essayer de détailler chaque partie de la chanson, paroles et musique, par l’intermédiaire du support qui nous semble le plus adapté : « le Texte / Accord » avec lequel nous travaillons régulièrement chez Salvéda et que nous avons décidé d’améliorer pour les besoins de la cause. Il peut s’appeler pour plus de facilité TA ou, pour nos voisins qui ne parlent pas encore français : ChordWord. Pour nos autres lecteurs, mélomanes mais non musiciens, nous allons également proposer une version « allégée » de toutes les considérations trop spécialisées.
La lecture du Texte / Accord (TA)


Le Texte / Accord reprend plusieurs anciens procédés de notation pour les améliorer rythmiquement. Il reprend en premier lieu la technique de ces antédiluviens « carnets de chant » qu’on utilisait dans la voiture familiale, en colonie de vacances ou chez les scouts et autres éclaireurs… On avait juste les paroles à disposition, on connaissait l’air et l’on chantait en suivant ce guide essentiellement littéraire. La grande évolution s’opère dans le début des années 60 où les guitaristes ont besoin de connaître également les accords pour accompagner leurs petits et petites camarades autour d’un bon feu de bois ou sur la plage, ou les deux à la fois. Ce nouveau procédé voit le jour et les accords sont donc ajoutés au-dessus des paroles pour guider les musiciens en herbe. Le seul problème, et de taille, c’est qu’ils ne sont que rarement ajoutés au-dessus de la syllabe concernée par le changement d’accord. L’accord est écrit le plus souvent où l’on peut, où il y a de la place… Cette nouvelle méthode n’indique donc en aucun cas les changements de mesures. Précisons aussi que les tonalités d’origine sont rarement respectées, le morceau est souvent proposé dans les tonalités les plus faciles à jouer pour les guitaristes : Do, Sol, La, Ré… C’est ce type de transcription que l’on trouve encore de nos jours sur internet, avec malheureusement des accords plus ou moins justes et rarement situés sur les bonnes syllabes : ces supports sont souvent appelés à tort tablatures et certains sites sont aujourd’hui spécialisés dans ce genre de présentation. Quant aux « grilles » qui, à l’inverse, présentent les mesures et les différents changements d’accords, elles concernent essentiellement les musiciens (pas de paroles) et sont rares sur internet (souvent des PDF)…
Le gimmick de départ
Intro de Spirit of Samba, L. Voulzy, 2017, extrait
Laurent Voulzy est un familier des « gimmicks », ces petites phrases répétitives qui vont capter l’attention des auditeurs. Celle de « Spirit of samba » consiste plutôt en une courte cellule rythmique, construite sur une mesure jouée en boucle. Elle débute le morceau et sera répétée régulièrement avant ou après tous les couplets-refrains.
Cette mesure débute par un MIm basse mi, suivi d’un LA2 (anticipé sur le deuxième contretemps) et qui s’achève par une basse sol jouée sur le 4ème temps de la mesure.
En acoustique, ce gimmick peut prendre cette forme :
Le gimmick de Spirit of samba, démo par Salvéda

Le couplet


Couplet de Spirit of Samba, L. Voulzy 2017, extrait
Couplet version acoustique par Salvéda, tuto 2023
Le couple couplet-refrain s’intercale entre les différents morceaux brésiliens repris pour les annoncer.
De construction simple, il est en SOl majeur et les accords : MIm (VIm), DO (IV), DO, MIm, SOL (I), RÉ (V) s’y suivent avant le retour du gimmick (MIm / A2). Le rythme « bossa » permet un accompagnement acoustique assez fidèle (voir la tablature).
Tout au long du morceau, Alain Souchon nous y livre quelques formules magiques dont il a le secret.

Aux douceurs des guitar’ tropical’ Bougent les fill’ occidental’ Pour le cœur la samba la samba c’est bien... ; Les couleurs dans tes parol’ Calment la douleur de métropol’… ; Danseur solitair’ ou de Carnaval La vie appuie quelquefois où ça fait mal… ; L’amour unit l’amour sépar’ L’amour port’ en lui un petit poignard… ; Cœur blessé par l’amour qui ment Moi je connais le médicament Pour le cœur la samba la samba c’est bien...
Le refrain


Refrain de Spirit of samba, L. Voulzy, 2017, extrait
Refrain, version acoustique par Salvéda, 2023
Le refrain est particulièrement simple, fidèle à la méthode Voulzy pour pouvoir être facilement mémorisé : SOL (I), RÉ (V), DO (IV), SOL, RÉ, DO, RÉ. La formule d’Alain Souchon « Et les gens malheureux le sont moins » permet de l’identifier. Elle traduit en quelques mots la dualité du Brésil où tristesse et grande pauvreté sont compensées par la folie et la richesse de la danse et de la musique : favelas et samba ! L’arpège folk, en acoustique, convient parfaitement au traitement de ce refrain.

1 « Vocé abusou » (Antônio Carlos e Jocafi), 1972


Vocé abouzo, Maria Creuza, extrait.
Vocé abouzo, version acoustique par Salvéda 2023.
Pour s’enchaîner au refrain précédent, « Vocé abusou » a été transposé en Sol majeur par Laurent Voulzy. Ainsi le dernier accord du refrain, un RÉ, joue un rôle de résolution et amène le premier accord de Vocé abuso, un SOL. Le titre commence par : SOL (I), SIm7 (IIIm7), RÉm7 (ht), MI7 (ht), LAm7 (IIm7), LAm7/5b…
La chanson a été écrite en 1972 par un duo brésilien composé de Antônio Carlos Marques Pinto et de José Carlos Figueiredo, plus connus sous leur nom de scène de Antônio Carlos e Jocafi. La chanson a été popularisée par sa première interprète Maria Creuza. On se souvient que ce succès devenu planétaire a été adapté en français sous le nom de « Fais comme l’oiseau » chanté par Michel Fugain et le Big bazar.
Fais comme l’oiseau, Michel Fugain et le Big bazar, extrait
2 « Partido alto » (Chico Buarque), 1972

Transposé également en SOL, « Partido alto » commence par les accords : SOL (I), SOL, DO (IV), DOm, SOL…

Partido Alto, Chico Buarque, 1972, extrait
Partido alto, version acoustique par Salvéda, démo 2023
Partido alto a été écrit en 1972 par une jeune-homme de 28 ans, Francisco Buarque de Hollanda, plus connu de nos jours sous le pseudonyme de Chico Buarque. C’est un intellectuel, auteur-compositeur et romancier contestataire qui s’est élevé contre le pouvoir politique de son pays à une époque où le Brésil été dirigé par une dictature militaire (de 1964 à 1985). On lui doit, aux côtés de Caetano Veloso et de Gilberto Gil, d’avoir créé vers la fin 1960 le genre Musique Populaire Brésilienne (MPB) en mariant les rythmes de la samba, de la bossa, du jazz et du rock.
À l’origine, le partido alto est une forme spécifique de la samba que l’on pratique lors de réunions d’échange où les anciennes et les nouvelles sambas sont jouées. L’accompagnement est assuré par des cavaquinhos, petites guitares à 4 cordes, des pandeiros, sortes de tambours sur cadre, des rebolos, tambours basses et d’autres percussions. Ce partido alto peut également être joué lors de défilés de rue par des ensembles de percussions, les batucadas.
Partido alto a été popularisé en France par Pierre Vassiliu en 1974 sous le nom de « Qui c’est celui-là ».
Qui c’est celui-là, Pierre Vassiliu, 1974, extrait
3 « Fio Maravilha » (Jorge Ben Jor), 1972

Pour passer à « Fio Maravilha », Laurent Voulzy transforme la fin de son dernier refrain (« É feliz so quem samba Spirit of the samba ») : SOL (I), RÉ (V), FA (ht), FA2. Cet accord, hors tonalité en SOL, appartient (degré IV) à la tonalité de DO majeur choisie pour interpréter « Fio Maravilha » : DO (I), LAm7 (VIm7), MIm (IIIm), Am7/SIm7 (ht)…

L’auteur de ce succès est bien différent du précédent. Il est né dans une favela de Rio, s’est passionné pour le foot, a même intégré l’équipe junior du Flamengo de Rio, s’est lancé dans une samba colorée de rock, de funk et… même de variété.
En 1972, Jorge Duilio Lima Menezes, dit Jorge Ben Jor pour faire plus simple (et Junior pour ne pas être confondu avec « l’inconfondable » et inégalable George Benson) décroche un tube international avec ce titre à la gloire de Fio Maravilha, l’avant-centre du Flamengo de Rio. Ce n’est d’ailleurs pas son coup d’essai et nous verrons que Laurent Voulzy reprend dans son medley pas moins de 4 titres de ce chanteur-auteur très populaire au Brésil.
En 1973, « Fio Maravilha » devient célèbre en France grâce à l’adaptation qu’en fait la chanteuse Nicoletta.
Fio Maravilha, Jorge Ben Jor, 1972, extrait
Fio Maravilha, version acoustique, Salvéda 2023, démo
Fio Maravilha, Nicoletta, 1973, démo
4 « Pais tropical » (Jorge Ben Jor), 1969

Retour à la case SOL majeur pour « Pais tropical ». Le refrain précédent (« Let’s all samba together Spirit of the samba » se termine par un RÉ (résolution) qui amène le « Pais tropical » : SOL (I), DO (IV) / RÉ7 (V7), MIm7 (VIm) / SOL…

Pais tropical, Jorge Ben Jor, 1969, extrait
Pais tropical, version acoustique, Salvéda 2023, extrait
Nous continuons avec Jorge Ben Jor et ce tube qui consacre sa carrière en 1969. Attention, le rythme est soutenu, les passages d’accords fréquents (le plus souvent tous les deux temps) et le débit des paroles ne permet pas une petite sieste !
Un petit refrain en chœurs ?

Refrain, version acoustique, Salvéda 2023, démo
Allez ! Lâchons-nous un peu en vous proposant un un petit refrain à plusieurs voix qui se termine cette fois en Sol majeur et va amener le relatif mineur (Mim) du titre suivant Samba dé vérao.
5 « Samba de vérao » (So nice) (Marcos et Paul Sérgio Valle), 1964

Comme « Pais tropical », « Samba de vérao » est joué en SOL majeur : MIm (VIm), DO7M (IV7M), FA#m7/5b (VIIm7/5b), SI9 (ht), FA7M (ht) FA7M, FAm6 (ht)…

Samba dé vérao, Marcus et Paulo Sérgio Valle, 1964, extrait
Samba dé vérao, version acoustique, Salvéda 2023, démo
« Samba dé vérao » est devenu un standard de la bossa nova et du jazz, connu également sous le nom de son adaptation anglaise « So nice » (ou encore « Summer Samba »). La version originale est de Marcos Valle et de son frère Paulo Sérgio Valle pour les paroles portugaises, l’adaptation anglaise et de Norman Gimbel. La chanson qui a fait par la suite le tour du monde a été enregistrée la première fois par le trio de Sergio Mendes et la chanteuse Wanda de Sah. Marcos Valle confesse avoir écrit la chanson dans sa chambre avec son frère, en 1964. La maison de leurs parents à Rio était près de la plage, les deux jeunes-hommes rêvaient de surf, de filles et écoutaient beaucoup de bossa-nova… Ce titre a été chanté par de nombreux interprètes, notamment Diana Krall, et Stacey Kent en duo avec Marcos Valle.
En France, Marcel Amont en a fait en 1967 une adaptation sous le nom de « Samba d’été ».
6 « Mas que nada » (Jorge Ben Jor), 1963

Cette fois pour la transition avec le refrain précédent, Laurent Voulzy reste sur l’accord de MI mineur. Mais dans « Mas que nada », ce Mi m devient un degré IIm (et non plus un VI m comme dans le refrain précédent qui est en en SOL) et cette fois donc, nous sommes passés en RÉ (I) avec le LA qui est majeur et sepième (V7) : MIm (IIm) / LA7 (V7), MIm / LA7, LAm7 (ht) / RÉ9 (ht), MIm / LA7…, subtil passage, isn’t it ?
Le couplet qui suit (« L’amour unit, l’amour sépar’ »), comme les suivants, est légèrement différent : Laurent Voulzy y a ajouté un accord, un SIm 7 (IIIm7) : MIm (VIm), LAm7 (IIm7), SIm7 (IIIm7), SOL (I), MIm (VIm)…
Le refrain qui suit s’achève (« samba together Dans la nuit la samba ») par un SI7 qui amène par résolution le premier accord de Insensatez (MIm) : RÉ (V), DO (IV), MIm (VIm) / SI7 (ht, résolution).

Mas que nada, Jorge Ben Jor, 1963, extrait
Mas que nada, version acoustique, Salvéda 2023, démo
Allez ! Retour sur Jorge Duilio Lima Menezes. Il est jeune, il est beau, il sent bon le sable chaud, de Rio… Nous sommes en 1963, il ne s’appelle pas encore Jorge Ben Jor et il sort son premier disque intitulé Samba Esquema Novo avec, entre autres, Mas que nada reprise par Sergio Mendes, une première réussite !