Souchon Voulzy en chansons
Publié le 1 novembre 2022, par Charles-Erik Labadille
Ce contenu web n’est pas une biographie, quoi que…, suivre la production de deux auteurs pendant cinq décennies… Non, non ! Ce contenu web n’est pas une biographie (ou deux biographies peut-être ?), ce contenu web est une chronique : celle de l’œuvre (ou des œuvres ?) de deux auteurs-compositeurs-interprètes, Alain Souchon et Laurent Voulzy, et il y a matière : plus de cinquante années de carrière, 23 albums « studio » et plus de 240 chansons publiées. D’ailleurs, à force de suivre leur parcours professionnel, j’ai l’impression de beaucoup mieux connaître les deux personnages et c’est pour cela, qu’en définitive, ce contenu web pourrait être une, ou deux… Non, non ! Pour entrer dans la vie des gens, il n’y a tout de même pas que leur boulot même si j’imagine que ces deux-là ont souvent dû rentrer tard le soir à la maison, et partir des journées, des semaines entières en interviews, promotions, galas, tournées… Bref, si ce contenu web n’est pas une biographie, en revanche, il s’agit bien d’un roman-feuilleton, avec ses parutions d’albums, année après année, avec ses décors (la musique), son action (les paroles), ses rebondissements et, bien entendu, ses deux héros, Alain Souchon et Laurent Voulzy !


Cette année, la chanson « J’ai dix ans », leur premier succès partagé (paroles d’Alain Souchon et musique de Laurent Voulzy), a tout juste… …cinquante ans ! Moi qui avais pris l’habitude de ne pas trop regarder le temps passer, quand j’ai découvert la chose, ça m’a tout d’abord foutu un vieux coup ou du moins un coup de vieux ! C’est que je suis un peu de la même « fratrie », le cadet avec une dizaine d’années de retard sur les deux grands frères… Inscrit à la SACEM en 1974, j’ai écrit mes premières chansons à la sortie de « J’ai dix ans » et j’ai moi-même « sorti » mon premier trente-trois tours autoproduit six ans après, en 1980. Mais poursuivons… Une fois donc revenu de ma sidération, je me suis dit qu’un demi-siècle de chansons ça n’était pas rien et c’est là qu’a germé l’idée de cette chronique. Elle couvre donc la période 1974 – 2024, avec une petite nouveauté pour ce type d’analyse : les textes aussi bien que les musiques y sont abordés ; normal, puisque la chanson est un genre qui marie paroles et musiques… Mieux encore, des balises renvoient à un chapitre plus technique présenté en fin d’ouvrage. Intitulé « La guitare à Charlie » (hommage à peine voilé à Marcel et son emblématique méthode, « La guitare à Dadi » sortie elle aussi en 1974 !), il regroupe tous les points rythmiques et harmoniques soulevés par les chansons de nos deux auteurs-compositeurs, et il y en a ! Il s’adresse d’abord aux guitaristes, mais les autres instrumentistes y trouveront également leur bonheur, ainsi que les fervents mélomanes qui devraient pouvoir y décrypter certains arcanes de la musique…

Mais, me direz-vous, pourquoi et comment avoir choisi Souchon et Voulzy ? Eh bien, c’est le moment de le confesser, arriver à eux n’a pas été une évidence… Même si je suis presque de la même génération (Laurent Voulzy sera certainement content d’apprendre qu’il a le même âge que ma sœur !), même si je me suis sûrement adonné avec autant de ferveur à la même passion (la chanson), au final, nous sommes néanmoins les aboutissements de deux cultures bien différentes. Alain Souchon et Laurent Voulzy font partie des rares élus issus de la culture institutionnalisée : leur principal problème reste de marier fortes contraintes commerciales et sociales, qualité artistique et large reconnaissance. En revanche, comme un grand nombre d’autres, je suis pour ma part un pur produit… …de l’autoproduction ! Je crois que je peux même aller jusqu’à dire que je suis véritablement un « auto-chanteur », bref un de ces nombreux auto-tout livrés à eux-mêmes : guitariste autodidacte, musicien auto-formé, self made parolier et surtout adepte de l’autoproduction, avec pas moins de six albums à mon compteur ! Notre souci essentiel, à nous les auto-chanteurs, c’est de conserver l’auto-confiance, l’enthousiasme créatif malgré une certaine indifférence. On le voit, il s’agit d’orientations bien différentes qui n’engagent pas forcément au rapprochement.

Alors, comme tout le monde, j’ai entendu les succès des deux complices à la radio et à la télé, mais sans m’y arrêter vraiment. C’est très tardivement que j’ai vraiment découvert tout d’abord Laurent Voulzy (et Alain Souchon aux paroles mais je ne le savais pas encore…). En 2007, soit 15 ans après sa sortie (!), je suis tombé, je ne sais par quel hasard sur l’album « Caché derrière », je dis bien je suis « tombé » car l’écoute de ce CD a réellement été une révélation. J’ai d’abord découvert une musique proche de la mienne dans ses choix rythmiques (bossa…), harmoniques, avec des parties de guitare comme je savais également les jouer (« Le rêve du pecheur », divers fingers picking…) ; et puis j’ai découvert des paroles avec du style et un sens profond, ce qui ne courait pas les rues à l’époque, comme d’ailleurs de nos jours… Alors, de fil en aiguille, d’album en album, ceux de Laurent Voulzy et les siens propres, j’ai découvert Alain Souchon, aujourd’hui encore plus proche de moi que son camarade, peut-être question de tempéraments voisins, plus taciturne, désabusé, mélancolique, un peu comme moi aux bons jours… C’est d’ailleurs pour cette proximité-là que je me suis permis de mêler quelques confidences personnelles au récit de ces deux vies car nous avons, sans le savoir, effleuré des techniques, des lieux et des sujets très proches voire identiques. Que tous les deux veuillent bien m’en excuser mais l’artiste, même autoproclamé, a toujours quelque chose à dire, à raconter.

D’ailleurs, puis-je ajouter un petit quelque chose ? En tant qu’auto-chanteur, qu’autodidacte forcené, j’ai appris à tout faire seul et bien souvent à l’envers. Ainsi, alors que les jeunes peintres doivent copier les modèles des Anciens et des Maîtres avant de se lancer dans une véritable création personnelle, j’aurais dû, moi aussi, visiter l’œuvre, paroles et musiques, de mes Pères : Trenet, Brassens, Brel, Ferré, Nougaro…, ce que je n’ai pas fait. Dans ma jeunesse, je me suis lancé bride abattue dans mes propres compositions, très simplistes et bancales, mes propres poèmes, très académiques, dont je n’étais pourtant pas peu fier ! Aujourd’hui, blanchi par les années, j’ai fait le parcours à rebours et je dois avouer que l’analyse des œuvres d’Alain Souchon et Laurent Voulzy m’a apporté plus de maîtrise, de compréhension musicale et même des nouvelles idées. Je remercie donc ces deux auteurs-compositeurs et j’espère que mes futures chansons, s’il y en a, en garderont un petit quelque chose…

Mais il ne faudrait pas croire non plus que ce livre n’est que prosternation devant le travail de ces deux icônes ! Comme tout un chacun, elles ont pu commettre des petites erreurs. Comme tout un chacun, elles peuvent avoir eu des moments passagers de déprime. Elles ont pu également faire des choix, avoir des goûts que je ne partage pas… Alors, on se dit tout, tout, tout ! En fait, pour une fois, ils n’ont pas la parole, et comme c’est moi qui ai le stylo, c’est moi qui vais dire tout ! À eux et à vous d’en prendre et d’en laisser… Et je reconnais, à leur décharge, qu’il est très facile de critiquer après et vu de l’extérieur, beaucoup moins quand on a le nez dans le guidon ! Alors malgré toutes ces petites « escarbilles », ces anicroches qui n’en sont d’ailleurs pas, qu’ils sachent, au terme de ce travail, qu’ils gardent toute mon admiration et qu’ils comptent, à mon sens, parmi les meilleurs auteurs-compositeurs toutes générations confondues. Mais ça, c’est plutôt un secret de polichinelle !
Enfin, il faut avouer pour conclure que mon choix s’est porté sur Alain Souchon et Laurent Voulzy car quand on peut en avoir deux pour le prix d’un, il faut sauter sur l’occasion, ce que j’ai fait fin 2022 en commençant cette bio…, eh non, cette chronique.
Alors, cinquante ans qu’ils ont « dix ans », on démarre ?
C.E. Labadille, février 2024