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Ray VENTURA

Publié le 25 septembre 2016, par Charles-Erik Labadille
Ray Ventura
Ray Ventura

Au début des années 1920, on est « jazz » ou on ne l’est pas. Car le mot, à défaut de la musique, est à la mode. On est « jazz » comme on sera « branché » en notre début de 21ème siècle. On est donc « jazz » pour s’inscrire dans un courant de modernité, car cette musique arrive tout juste d’Amérique dans les bagages de quelques artistes noirs ou blancs qui n’en reviennent d’ailleurs pas de l’accueil chaleureux que leur accorde l’Europe, alors que ce n’est pas vraiment le cas dans leur pays d’origine. Un certain nombre de lycéens parisiens trouvent dans ce « jazz » un moyen d’affirmer leur différence, d’exprimer leur besoin de changement ou leurs colères. Dans la même mouvance, 20 ans plus tard dans les années 40, on sera « swing ». Mais en attendant, l’histoire débute à Paris dans le très sélect lycée Janson-de-Sailly où plusieurs formations musicales jouent et s’échangent les jeunes membres de leurs orchestres respectifs. Raymond Ventura, environ seize ans (il est né en 1908) et déjà plutôt bon pianiste, rejoint en 1924 le « Titcomb’s Orchestra » qui devient l’année suivante le « Collegiate five » puis les « Collegiate five augmented » du fait de la fusion avec un autre groupe. À partir de 1925, le groupe se produit régulièrement et les Collégiens vont bientôt graver leurs premières faces chez Columbia (28), Odéon (29-31), Decca (31-35)… Et si certains musiciens ne font que passer, Ray Ventura, pour sa part, a bien l’intention de faire carrière. C’est en 1935, avec l’enregistrement pour Pathé de « Tout va très bien, madame la marquise » que l’orchestre connaît le succès.

Paul Misraki
Paul Misraki

La chanson est du compositeur Paul Misraki qui écrira d’autres « tubes » comme, entre autres et sur des paroles d’André Hornez, le célèbre « Qu’est-ce qu’on attend ». Bref c’est bien à « Monsieur Paul » que Ray Ventura et ses collégiens doivent l’indicatif de l’orchestre (« Fantastique »), leurs plus beaux arrangements et leurs plus grands succès. Autre spécificité des Collégiens : c’est une formation de fantaisistes, passés maîtres dans l’art de la « chanson-sketch » comme « Ça vaut mieux que d’attraper la scarlatine », « Les chemises de l’archiduchesse », « Le chef n’aime pas la musique »… D’ailleurs, en 1941, un jeune guitariste et fantaisiste, Henri Salvador rejoint l’orchestre pour une tournée brésilienne, car Ray Ventura souhaite mettre de la distance entre lui et une Allemagne quelque peu envahissante. Après un retour en France et quelques tournées réussies, les Collégiens seront dissous en 1947 car l’esprit de l’après-guerre n’est plus le même. Ray Ventura deviendra producteur de cinéma et de disques (entre autres, il sera l’éditeur du jeune Brassens…), faisant appel à de bonnes formations de pro et, entre autres, à son guitariste de neveu, Sacha Distel.

En définitive et presque un siècle plus tard, Ray Ventura a tout pour devenir le père spirituel de cette rubrique dédiée à une chanson d’humour qui swingue : des choix très modernes pour l’entre-deux-guerres ; un big band qui « assure » avec des musiciens de qualité ; des compositions et des arrangements épatants, défendus entre autres par le talentueux Paul Misraki ; des paroles souriantes, certes parfois faciles mais toujours pleines de fantaisie pour véritablement distraire leur auditoire populaire. Car cette distraction, on la sent un peu partout, jusqu’au pupitre de ce « Chef qui n’aime pas la musique » mais adore les plaisanteries… de collégiens ! Alors, en écoute, retrouvons d’abord un titre divertissant (avec une chute inattendue et impertinente), puis en hommage à Raymond, Paul et André, un petit arrangement du Trio Larigot de la chanson édoniste (qui doit plaire à Michel Onfray) « Qu’est-ce qu’on attend »… pour faire la fête !

 

 « Monsieur de la Palice » (Ray Ventura)

 

Plus de 250 matrices de 1928 à 1951 (1975)

Ventura CD
Ventura CD