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Les collines vendéennes

Publié le 11 décembre 2024, par Charles-Erik Labadille

Introduction aux collines vendéennes

Ne restons pas les pieds dans l’eau, même si c’est celle de la Loire ! Nos tribulations continuent, inexorablement orientées vers le sud… Il faut passer les Mauges et Cholet (Maine et loire) pour retrouver des reliefs qui ont toujours le courage d’afficher quelques vélléités orographiques. Cette fois, c’est la Sèvre-Nantaise qui nous entraîne vers d’autres horizons « plutoniques » : il s’agit des granites de Pouzauges puis de Mortagne-sur-Sèvre qui arment les hauteurs des Collines vendéennes. Ces dernières s’adossent, à l’est, à la Gâtine et au département des Deux-Sèvres dont elles ne sont séparées, plutôt dans la continuité (granites de Bressuire…), que par le cours d’eau. Vers le nord, les reliefs s’abaissent vers le massif des Mauges. C’est vers l’ouest que la rupture est la plus marquée. Les Collines vendéennes qui culminent entre 240 et 295 m y sont limitées par l’importante ligne de faille de Pouzauges (orientée nord-ouest / sud-est) au-delà de laquelle s’étend le Bas-Bocage, situé entre 50 et 130 m d’altitude (Chantonnay, Saint-Fulgent, Montaigu…).

Coincé entre ce grand cisaillement (encore actif, avec des séismes épisodiques comme celui de 2001 de magnitude 4,9 sur l’échelle de Richter) et la Sèvre-Nantaise, le Haut-Bocage vendéen est donc centré sur deux ensembles granitiques .

Le massif de Pouzauges et celui de Mortagne-sur-Sèvre / Clisson sont séparés par une étroite dépression schisteuse d’environ 2 kilomètres de large et nommée « trouée » de Saint-Mars-la-Réorthe. On peut longer ce « couloir » sur une dizaine de kilomètres par la D 11 reliant Les Herbiers aux Épesses. Cette percée, d’altitude moyenne 120-130 mètres, est encadrée par les deux puissants talus granitiques rectilignes dont l’altitude avoisine les 250 mètres. Certains géologues pensent que la trouée de Saint-Mars-la-Réorthe, d’orientation est-ouest, est le vestige du passage d’un fleuve aujourd’hui disparu : il aurait traversé la Vendée, il y a environ 50 millions d’années, provenant de la Brenne pour atteindre son embouchure située entre Saint-Gilles-Croix-de-Vie et Saint-Nazaire. Étroite césure au sein des Collines vendéennes, ce couloir débouche dans le Bas-Bocage, à l’ouest, après avoir pratiqué une brèche dans l’escarpement de la faille de Pouzauges.

Ainsi, du sud au nord, quatre ensembles se succèdent : le massif et le pays de Pouzauges ; le massif de Mortagne-sur-Sèvre avec les pays des Herbiers, de Mortagne et enfin de Tiffauges. Ce territoire de collines présente une alternance de coteaux secs et de vallons plus ou moins humides et, entre les pâtures parfois tourbeuses, parfois arides, entre les réseaux de haies et les bois, l’escarpement et la pierre font souvent leur apparition.

Le bois de la Folie et le Puy Crapaud

Le château de Pouzauges (MVL)

Pouzauges (Vendée)

À voir à moins de 30 km : le Mont des Alouettes, le Puy du Fou, le Mont Mercure et le Mont des Justices, le donjon de Saint-Mesmin, les Rochers de Cheffois et Mouilleron, les coteaux calcaires de Chantonnay

Pour voir le roc percer à la lumière, il faut grimper jusqu’à Pouzauges, accroché de façon pittoresque au rebord du Haut-Bocage granitique d’où la ville bénéficie d’une vue plongeante vers le sud-ouest et le bassin du Grand Lay. Les maisons, étagées en terrasses à flanc de coteau, donnent à l’ensemble un parfum de cité toscane que l’on retrouvera à Clisson.

Des rues sinueuses et d’étroites venelles gravissent les pentes parfois raides qui mènent aux ruines d’un château du 13e siècle. Car, bien entendu, la vocation stratégique des Collines vendéennes n’a pas échappé aux différents occupants des lieux et les places fortes en ont été, par le passé, une des principales traductions : Saint-Mesmin, à une dizaine de kilomètres (forteresse du 14e siècle avec donjon du 15e) ; un peu plus loin, Tiffauges, Clisson… Comme celle de Tiffauges, la place-forte de Pouzauges fut propriété d’un certain Gilles de RAIS, ici par alliance avec Catherine de Thouars. La fortification qui comptait à l’origine une dizaine de tours n’a conservé qu’une courtine et un imposant donjon carré qui reste néanmoins un des plus beaux et plus anciens exemples locaux d’architecture militaire en pierre.

Mais l’ascension n’est pas terminée car une butte, bien identifiable vers le nord-ouest par sa silhouette trapue, domine les anciens remparts d’une trentaine de mètres. Il s’agit du Bois de la Folie (276 m), lieu réputé jadis et dénommé le « Phare de la Vendée » car il servait à l’échange des signaux au plus fort de la tourmente révolutionnaire.

Les pentes boisées sont émaillées de blocs granitiques épars qui émergent de la gangue terreuse. Certains, réunis en petits chaos, offrent de beaux exemples d’exfoliation : sous l’action de l’altération, des écailles courbes se détachent des pierres qui tendent progressivement à la forme de boules. L’occupation du site est certainement très ancienne et d’ailleurs l’on trouve à proximité, sur le flanc d’une butte toute voisine appelée le Puy Trumeau, un imposant rocher de plusieurs tonnes, sorte de dolmen nommé la pierre monolithe du Marchais (accès par un chemin creux). Le Bois de la Folie et le Puy Trumeau appartiennent à un alignement de points hauts dont on retrouve d’importants témoins en sortie sud-est de Pouzauges avec le Puy Crapaud (269 m), le Puy Papin (261 m) et le Puy Lose (271 m). Car en Vendée, les éminences s’appellent puy (du latin « podium »  = hauteur) et certaines, comme nous le verrons, ont su acquérir leurs lettres de noblesse.

Pour accéder au Puy Crapaud, il faut suivre la direction de Montournais par la D 49 et prendre à gauche au lieu-dit le Puy Papin. Outre la vision panoramique qu’il offre, ce lieu nous ouvre à la découverte d’une autre particularité ancienne liée aux buttes vendéennes : quand le château médiéval y faisait défaut, c’est bien souvent le moulin à vent qui y prenait la place avec succès… Ici, une table d’orientation est installée au sommet d’un de ces vieux établissements industriels (accès libre par le bar aménagé au rez-de-chaussée).

À proximité du Bois de la Folie, ceux du Terrier Marteau, car ils ont la particularité d’être jumeaux, dateraient du 18e siècle et ont été restaurés dans les années 80 par la société Fleury Michon : l’un est transformé en musée, l’autre, visitable, a conservé son mécanisme complet et peut encore moudre le blé. Simplement posés sur les corps de pierre, leurs toits mobiles ont vocation à tourner pour diriger les ailes qui en sont solidaires en direction des vents dominants.

Le mont Mercure et le mont des Justices

La Flocellière, Saint-Michel-Mont-Mercure (Vendée)

À voir à moins de 30 km : le Mont des Alouettes, le château de Gilles de Rais, le Puy du Fou, le Bois de la Folie et le Puy Crapaud, le donjon de Saint-Mesmin, les coteaux calcaires de Chantonnay

Le point culminant de la Vendée et des départements limitrophes se trouve à Saint-Michel-Mont-Mercure (290 m), presque à mi-chemin sur l’axe Pouzauges / Les Herbiers. Si l’altitude est somme toute modeste, il n’en reste pas moins que, du parvis de l’église (table d’orientation), s’offre un splendide panorama sur les Collines vendéennes. Les curieux noteront au passage que dans ce haut lieu vénéré de longue date (certainement ancien lieu de culte celte, poste d’observation romain…), le très païen Mercure, dieu du commerce et des voyageurs, se trouve associé par la force de l’histoire et des appropriations cultuelles à l’archange Saint-Michel… dont la sculpture monumentale coiffe le clocher de l’église.

Si le Mont Mercure a choisi la ville, le Puy Lambert (275 m) préfère la pleine campagne : il est situé sur la commune voisine, La Flocellière, à peine à 1 kilomètre de distance (sortie sud-est de Saint-Michel par la D 752 puis première à gauche et sentier à droite). Le site convient aux randonneurs (sentier pédestre avec possibilité de boucle, pique-nique) qui, au sommet, découvriront l’enfilade des paysages vallonnés mais également un ancien moulin au toit remplacé par une croix de 15 mètres de hauteur. À proximité (toujours par la D 752), sur la même commune, un Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement (CPIE Sèvre et bocage) propose de continuer la découverte au travers de la Maison de la vie rurale (jardin nature…). Le site est encadré par trois nouveaux puys aux altitudes avoisinant les 250 m.

Si le bâtiment du Puy Lambert est christianisé mais amputé de son toit, l’intégrité du Moulin des Justices (Saint-Michel-Mont-Mercure), avec voiles à lattes, ravira les amateurs de belles mécaniques, de grands paysages et de petites faims puisqu’il est aménagé en crêperie-bar. Il dresse ses deux étages et ses voiles (l’une d’elles a néanmoins été brisée par les vents violents de l’année 2010) sur le flanc du Mont des Justices (275 m), situé à 3 kilomètres au nord-ouest de Saint-Michel, sur le bord gauche de la D 755 qui mène aux Herbiers.

Le mont des Alouettes

Les Herbiers (Vendée)

À voir à moins de 30 km : le château de Gilles de Rais, le Puy du Fou, le Mont Mercure et le Mont des Justices, le Bois de la Folie et le Puy Crapaud, le donjon de Saint-Mesmin, les coteaux calcaires de Chantonnay

Achevons aux Herbiers cette « route » des moulins qui croise, au Mont des Alouettes (232 m) les chemins de l’histoire (accès à 3 km au nord des Herbiers par la D 160 en direction de Mortagne-sur-Sèvre). Des sept établissements industriels construits au 16e siècle, seuls trois ont subsisté ; un seul est encore en fonctionnement et permet de découvrir comment étaient écrasées à la meule les diverses moutures de farines (visite payante en été).

Les autres furent incendiés pendant la Révolution par les troupes républicaines envoyées de Paris pour soumettre la région : en effet et tout d’abord, comme à Pouzauges, ces tours renseignaient les Vendéens, selon la position de leurs ailes, sur les mouvements adverses ; ensuite, les « colonnes infernales » chargées de mater les insurgés ont plus d’une fois pratiqué la politique de la « terre brûlée » pour affamer les populations, comme ici, aux Herbiers, en janvier-février 1794. Ainsi, les moulins à vent ont joué un rôle capital au cours des « Guerres de Vendée » (1793-1796) qui opposèrent partisans (les Bleus) et opposants (les Blancs) du mouvement révolutionnaire dans l’Ouest de la France. Bien que des motifs similaires aient poussé à la révolte, ces conflits du sud de la Loire doivent être distingués de la « Chouannerie » proprement dite qui se déroula en rive droite. Alors que dans le premier cas, les insurgés organisés en « armée catholique royale » sont d’abord victorieux, dans le second, les troupes républicaines l’emportent au préalable et l’opposition se transforme bientôt en conflit larvé où des guérillas ponctuelles sont organisées en Bretagne, dans le Maine, en Anjou et en Normandie. En Vendée, l’insurrection durera quant à elle trois années et se soldera par de nombreuses destructions et plus de 200 000 morts.

Le Puy du Fou

Les Épesses (Vendée)

À voir à moins de 30 km : le Mont des Alouettes, le château de Gilles de Rais, le Puy du Fou, le Mont Mercure et le Mont des Justices, le Bois de la Folie et le Puy Crapaud, le donjon de Saint-Mesmin

Il est clair que les Vendéens (et leur Conseil Général) ne manquent pas de volonté et de savoir-faire pour valoriser leur patrimoine naturel et culturel. Ajoutez-y l’imagination, l’enthousiasme et vous obtenez une des plus grandes réussites nationales en matière de tourisme… Une dizaine de kilomètres à l’est des Herbiers, sur la commune des Épesses, le plus célèbre des puys vendéens vous accueille pour vous entraîner, entre autres, au cœur de la tourmente révolutionnaire : c’est le Puy du « hêtre » (fagus en latin), plus connu sous le nom de Puy du Fou par près d’1,5 million de touristes qui visitent chaque année son parc de loisirs à thématique historique.

Tout démarre en 1978 des ruines du château style Renaissance, brûlé en 1794 par les « colonnes infernales » du général TURREAU, qui servent de décor à la Cinéscenie et de prétexte à l’évocation d’une vaste fresque allant du Moyen Âge à la Seconde Guerre mondiale, en passant bien entendu par les Guerres de Vendée : plus de 3 000 bénévoles, plus de 1 000 comédiens et de 8 000 costumes… En plus de ce spectacle grandiose, s’est créé en 1989 le parc de loisir, activité salariée cette fois qui propose aux visiteurs un voyage dans le temps au travers de grandes animations théâtralisées, de la reconstitution de villages thématiques…

Le château de Gilles de Rais

Le château de Tiffauges

Mallièvre, Mortagne-sur-Sèvre, Saint-Laurent-Sur-Sèvre, Tiffauges… (Vendée)

À voir à moins de 30 km : Clisson, le Puy du Fou, le Mont Mercure et le Mont des Justices, le Mont des Alouettes

Pour ceux que les sommets et les caprices d’Éole étourdissent un peu, la vallée de la Sèvre-Nantaise offre une jolie alternative plus abritée. Les moulins à vent y sont remplacés par les moulins à eau, nombreux par le passé sur un axe à l’énergie convoitée par les industries locales : le broyage de la farine, le tissage, la tannerie, la fabrication de papier ont fleuri sur les rives de cet affluent de la Loire et légué un héritage de barrages, d’anciennes minoteries, d’usines et de maisons de négociants. Le granite a également laissé son empreinte au fil de l’eau, avec des blocs arrondis qui en émergent pour former des gués improbables ou qui s’accotent à la berge pour soutenir quelques habitations : Mallièvre, Saint-Laurent-Sur-Sèvre

D’amont en aval, la rivière égrène ses anciennes forteresses : les unes sont ruinées comme à Mallièvre, joli village aux ruelles escarpées, aux nombreuses fontaines et aux maisons de tisserands ; d’autres ont gardé de beaux vestiges, comme la Tour des Anglais et la Tour au Trésor à Mortagne-sur-Sèvre d’où s’ouvre un panorama sur la vallée ; certaines affichent encore fièrement leur puissance passée, comme à Tiffauges où l’Histoire croise la légende.

En effet, le château de Tiffauges fut jadis sous la coupe d’un seigneur passé à la postérité, non pas tant comme Maréchal de France, héros de la guerre de Cent Ans et compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, mais surtout sous le surnom de « Barbe Bleue »… Encore de nos jours, Gilles de RAIS (encore orthographié de Retz), ou plutôt Gilles de Montmorency-Laval d’après son ascendance, reste un personnage à la fois fascinant et terrifiant, à l’histoire controversée au point qu’une récente « révision de son procès » ait plutôt opté pour sa non-culpabilité… Le baron de Retz dérange d’abord par son patrimoine considérable, lequel a de quoi provoquer la jalousie des plus grands princes du début du 15e siècle. Son goût immodéré du faste, de l’apparat et de la profusion ne plaide pas non plus forcément en sa faveur. Il traduit néanmoins un fort intérêt pour la mise en scène et le grand spectacle, le surprenant, ce qui rapproche l’homme des sphères artistiques de son époque qui, peu à peu, amèneront à la Renaissance : il s’implique plus que de raison dans ce domaine et fait donner à grands frais des représentations de « Mystères », les seules exhibitions connues alors : entre autres, la série de reconstitutions du « siège d’Orléans », offerte à la dite ville et jouée pendant un an par des centaines de comédiens, n’aurait pas déparé au Puy du Fou ! Les frais exorbitants qui en résultent l’obligent bientôt à aliéner une partie de ses propriétés. Pour tenter de remédier à des difficultés financières devenues insurmontables, Gilles de RAIS choisit encore une fois une voie peu conventionnelle qui lui vaudra bientôt les foudres de l’Église : il s’adonne avec passion à la magie et à l’alchimie. Est-ce lors de ces pratiques visant, entre autres, à transformer le mercure en or, que le « sacrilège » s’égare dans les sacrifices humains ? Ou est-ce le simple fait d’une « descente aux enfers » de plus en plus décadente et dépravée ? Quel est le véritable nombre des victimes ? Quoi qu’il en soit, sur la base de rumeurs publiques (et aussi d’un conflit larvé qui l’oppose à l’Église quant à la possession de certaines propriétés), Gilles de RAIS est accusé par un tribunal ecclésiastique « pour sorcellerie, sodomie et meurtres de trente petits enfants ». Il est pendu et brûlé à Nantes en 1440, à l’âge de 36 ans. Néanmoins, le doute sur la culpabilité de l’inquiétant baron demeure toujours et certains monuments et rues portent encore son nom…

Tout comme la mémoire du « serial killer vendéen », Tiffauges a survécu au poids des siècles et se dresse sur son éperon granitique presque encerclé par la Sèvre-Nantaise et l’un de ses affluents. De nombreux visiteurs viennent y découvrir un étonnant conservatoire de machines de guerre médiévales en fonctionnement qui ne trahit pas l’esprit de l’ancien maître des lieux, donné pour être un redoutable guerrier, à la fureur et la férocité au combat elles aussi légendaires…

Clisson la toscane…

Clisson

Clisson (Loire-Atlantique en limite de Vendée)

À voir à moins de 30 km : le lac de Grand-Lieu, Nantes, le château de Gilles de Rais

Situé aux confins nord-occidentaux du massif de Mortagne-sur-Sèvre, Clisson allie la démesure des paysages granitiques et les charmes d’une cité brillante et fréquentée. Ce lieu, très touristique aux beaux jours, mérite bien qu’on consacre une longue flânerie aux rives de la Sèvre-Nantaise : la rivière a pris ici de l’autorité, de l’envergure et traverse la ville en un cours lent et silencieux qui annonce, à environ 25 kilomètres, sa confluence dans Nantes avec la Loire.

À proximité du Pont de la Vallée (ouvrage en granite daté du 15e siècle) qui enjambe la Sèvre, se dressent en rive gauche les ruines du château… L’histoire de ce bastion breton, situé aux frontières de l’Anjou et du Poitou, est liée à la défense des Marches de Bretagne, notamment face aux forteresses françaises établies à Tiffauges et Montaigu. La majeure partie de l’édifice actuel date du 13e siècle. Les fortifications, complétées jusqu’au 15e siècle, sont incendiées pendant les Guerres de Vendée par les troupes républicaines qui n’épargnent guère plus le reste de la ville : en 1794, les colonnes infernales finissent de ravager Clisson et une bonne part du bourg voisin de Gétigné. Les ruines du château servent alors aux habitants de carrière de pierre pour entamer la restauration de leurs maisons.

C’est dans ce contexte de reconstruction que le sculpteur François-Frédéric LEMOT découvre Clisson au début du 19e siècle et y trouve le support idéal pour mener le projet qui lui tient à cœur : conserver un monument en péril et surtout créer un domaine aux paysages évoquant les ruines antiques d’Italie. En 1807, il achète le château, ainsi qu’un peu plus tard le parc de la Garenne situé en rive droite. Dans son esprit, ces ruines médiévales constituent une « fabrique » de son futur jardin à l’italienne. Tout comme le château, le Parc de la Garenne-Lemot est aujourd’hui propriété du Département de la Loire-Atlantique et ces lieux sont ouverts au public, gratuitement et aussi au travers de visites et d’animations payantes.

Les fortifications juchées sur un promontoire rocheux et le GR de pays Sèvre et Maine qui part vers le sud surplombent la rivière. Le coteau boisé laisse bientôt apparaître des roches colossales aux formes arrondies : un chevelu de layons les encadre, dessinés par les nombreuses allées-venues des promeneurs étonnés par le gigantisme de ces blocs de granite qui donnent un aspect spectaculaire au Parc Henri IV. Les amateurs d’énormes pierres ne doivent, pour rien au monde, rater ces chaos qui ourlent la rive de la Sèvre.

On aperçoit, sur l’autre rive, le Parc de la Garenne-Lemot. Le domaine, sorte d’hommage aux paysages de Toscane, se compose d’une villa, des maisons du jardinier et du portier plutôt italianisantes, de bois, de rochers et de jardins où sont édifiées des « fabriques ». Ce sont des créations ornementales totalement dédiées à l’aménagement paysager et qui visent à ponctuer l’itinéraire du promeneur, à articuler les points remarquables tout en les valorisant. Quelque trois cents ans à l’avance, ce sont en quelque sorte les ancêtres des mobiliers pédagogiques de nos « parcours d’interprétation », de nos « sentiers de découvertes », bien que la référence soit ici plutôt esthétique et philosophique que naturaliste et environnementaliste… Les premières fabriques, alors nommées « Follies », voient le jour dans les jardins anglais au 18e siècle : elles désignent tous les types de constructions humaines destinées à embellir la nature « aménagée ». Avec la mode des jardins paysagers, ces édifices s’inscrivent dans différents courants : classique et inspiré par l’antiquité (temples, colonnades…) ; exotique (pagodes…) ; naturel (grottes, dolmens…) et enfin bucolique (chaumières…). À la Garenne-Lemot, diverses orientations cohabitent, ce qui d’ailleurs n’est pas une exception. La littérature, l’antiquité, l’histoire, la nature ont tout autant inspiré LEMOT : temple de Vesta, tombeau à l’antique, grotte d’Héloïse, bain de Diane, rochers Rousseau et Delille qui supportent des poèmes, moulin de Plessard… Par l’orientation du coteau, le parc étant tourné vers l’autre rive et le Parc Henri IV, le sculpteur y fait aménager d’autres fabriques, comme l’Obélisque visible depuis la villa, le temple de l’Amitié où LEMOT repose. Comme nous l’avons dit, dans l’esprit du concepteur, les ruines mêmes du château sont une fabrique à part entière !

Mais à Clisson, l’idéal paysager initié par LEMOT, les frères CACAULT (lauréats du Prix de Rome) et l’architecte CRUCY, entre autres, dépasse le cadre strict du Parc de la Garenne, du Parc Henri IV et des dépendances du château. En effet, « l’aventure » italienne initiée par ces riches intellectuels se situe dans un contexte global de reconstruction et de transformations auquel la cité doit faire face : la ligne de conduite du baron-sculpteur et de ses amis va donc influencer directement un certain nombre de propriétaires et de constructions dans ce secteur de la vallée de la Sèvre. À proximité du château, en gravissant le coteau sur lequel s’étage la cité, le visiteur apprécie, par petites touches qui finissent par créer un ensemble, ces effluves méridionales qui rappellent les paysages et l’architecture rurale de Toscane, d’Ombrie… : utilisation de la brique, toits plats et tuiles rondes, génoises, serliennes, loggias et colonnades… Il y découvre également les Halles du 15e siècle, rare monument épargné par les « colonnes infernales » du général TURREAU et pour cause : elles servaient, pendant la tourmente des guerres de Vendée, d’abri logistique aux troupes, notamment républicaines ! Cette place couverte, remarquable par sa charpente composée de bois différents, accueille toujours le traditionnel grand marché du vendredi. L’ascension de la ville haute continue par la rue Tire jarret : certes, elle tire bien sur les jambes mais son nom nous vient plutôt du Moyen Âge où les brigands détroussaient marchands et chalands sur le retour du marché (le jarret = la bourse) ! La ruelle pentue, entrecoupée de marches, amène à l’église Notre Dame, entièrement reconstruite à la fin du 19e : par son chevet et son clocher-campanile, l’édifice s’inscrit tout-à-fait dans la mouvance des églises romaines…

Les Petites Pyrénées Vendéennes

L'Yon (GL-MVL)

Chaillé-sous-les-Ormeaux, Le Tablier (Vendée)

À voir à moins de 30 km : le « Carnac vendéen », La Roche-sur-Yon, les Marais poitevins

Nous savons maintenant après toutes nos excursions que, malgré l’idée reçue, les granites ne sont pas l’apanage exclusif de la Bretagne. Même dans ses retranchements les plus méridionaux, le Massif Armoricain montre des marques de profonde usure qui, une fois « la peau » superficielle enlevée par l’érosion, révèlent des « chairs » granitiques plus profondes, comme mises à vif. Est-ce par hasard que les scientifiques les ont représentées en rose et rouge sur les cartes géologiques ?

Quoi qu’il en soit, ces grosses « croûtes » colorées, ici d’âge hercynien, apparaissent au niveau de la Vendée, de Legé (Loire-Atlantique) à La Roche-sur-Yon (Vendée).

Nous avons déjà fait la connaissance avec la « Suisse Normande », les « Alpes mancelles »… Nous vous avions promis des « Petites Pyrénées vendéennes »…, eh bien nous y sommes !  Elles sont situées à Chaillé-sous-les-Ormeaux, une dizaine de kilomètres au sud-est de La Roche-sur-Yon ! Même si l’altitude dérisoire (50-60 mètres environ) et les dénivelées peu marquées (une trentaine de mètres) feraient sourire le Basque et le Gascon, il n’en est pas moins vrai que la vallée incisée de l’Yon a quelque-chose de « décalé » en plein cœur du Bas-Bocage vendéen : d’ailleurs, nous ne sommes pas éloignés de la confluence de cet affluent du Lay et de son niveau de base (3 à 5 mètres) atteint dans les Marais Mouillés du Marais Poitevin, à une dizaine de kilomètres vers le sud.

Le caractère surprenant du défilé n’a pas échappé aux promeneurs et aux cyclistes (VTT) qui fréquentent assidûment le site de Piquet : en effet, du hameau de l’Aubonnière (Chaillé-sous-les-Ormeaux, rive droite) à celui de Piquet (Le Tablier, rive gauche), la rivière ressemble à un véritable petit torrent. Un sentier pédestre balisé, agrémenté de panneaux informatifs, permet de longer le cours d’eau qui s’évertue, pour poursuivre sa course, à contourner les blocs de granite qui embarrassent son lit et forment par endroits des seuils naturels. C’est une érosion fluviatile énergique qui, au fil des temps, a dégagé ce chaos de roches dont certaines sont creusées de marmites de géant. Bien entendu, Gargantua qui, comme on le sait a beaucoup baroudé, possède la sienne !

Bien avant la vocation touristique et paysagère de Piquet valorisée par le Conseil Général de Vendée, les anciens avaient su tirer parti d’un potentiel dynamique qui nous est parvenu sous forme de vestiges de moulins et de filature-teinturerie : ils confèrent une véritable dimension d’archéologie industrielle au site. Elle s’ajoute aux qualités morphologiques et biologiques particulières que ce court secteur encaissé de l’Yon tire de son contraste avec le reste de sa vallée, à l’amont évasée dans les schistes de La Roche-sur-Yon ou, à l’aval à fond plat dans les Marais Mouillés (Rosnay, Vendée).

Le « Carnac » Vendéen

Avrillé (Vendée)

À voir à moins de 30 km : Les Sables-d’Olonne, les dunes de la Sauzaie et du Jaunet, La Roche-sur-Yon, les Petites Pyrénées vendéennes, les Marais Poitevins

À une quinzaine de kilomètres, en continuant notre route vers l’extrême sud du Massif Armoricain, un dernier massif granitique est même partiellement recouvert par des terrains secondaires (jurassiques), vers Avrillé (Vendée) : nous sommes bien ici aux avant-postes du Bassin Aquitain ! Petite région de transition, le secteur d’Avrillé a vu, au néolithique, fleurir allées couvertes, dolmens, menhirs et, de ce fait, est volontiers appelée le « Carnac vendéen » : menhir d’Avrillé ou « roi des menhirs » (7 m de haut et 8,65 m de circonférence), dolmen de la Frébouchère à Le Bernard (mégalithe de type angevin de plus de 8 m de long)…

Et les grès armo ? Rochers de Cheffois et de Mouilleron

La Châtaigneraie, Cheffois, Mouilleron-en-Pareds (Vendée)

À voir à moins de 30 km : les coteaux calcaires de Chantonnay, les Collines Vendéennes, Saint-Michel-Mont-Mercure, Pouzauges, les chaos granitiques de Pougne-Hérisson, Largeasse, Neuvy-Bouin, Trayes

Allez ! Puisque nous en sommes aux petites exceptions (calcaires d’Avrillé, torrent de Chaillé…), la Vendée a-t’elle des cluses à nous offrir ? Eh bien oui, si l’on accepte de «descendre» tout au sud du Massif Armoricain,  et même si l’altitude fléchit à l’approche du seuil du Poitou… et même si les grès armoricains ne forment qu’une étroite bande étirée et étranglée dans les terrains schisteux avoisinants. Cet affleurement n’en constitue pas moins une ligne de hauteurs massives courant de Mouilleron-en-Pareds à La Châtaigneraie, en passant par Cheffois. Il n’en fallait pas plus pour qu’à l’est de ce bourg un petit affluent du Loing en ait profité pour « s’offrir » une double cluse, au niveau du Plessis Robineau puis de la Métairie Caillet !