Le Cotentin littoral 3
Publié le 23 avril 2024, par Charles-Erik LabadilleLE HAVRE DE PORTBAIL, LE MONT DE DOVILLE ET LE MONT CASTRE
Doville, La Haye-du-Puits, Lithaire, Saint-Lô-d’Ourville, Saint-Nicolas-de-Pierrepont, Saint-Sauveur-le-Vicomte (Manche)…
À voir à moins de 30 km : le Cap de Carteret, les dunes de Surtainville et d’Hatainville , le Cap du Rozel, Saint-Sauveur-le-Vicomte, les marais du Cotentin, le havre et les Landes de Lessay
Route au sud, vers les « havres », ces larges et profonds estuaires pénétrés par les marées. Celui de Portbail présente une singularité : si la flèche septentrionale est largement urbanisée, la digue-route qui y mène (D 15 doublée par le GR 223) traverse sur près d’un kilomètre, comme un fil d’équilibriste, le vaste estuaire séparé en deux parties. La pointe sud, beaucoup plus naturelle, est exclusivement occupée par un puissant massif protégé (et inconstructible), les dunes de Lindbergh (Saint-Lô-d’Ourville).
Un crochet d’une quinzaine de kilomètres plein est vers l’intérieur des terres nous ramène sur le territoire du Parc naturel et ses zones tourbeuses. La réserve naturelle des marais de la Sangsurière et de l’Adriennerie (Doville) est presque située à égale distance (environ 5 km) de Saint-Sauveur-le-Vicomte et La Haye-du-Puits.
Si les landes sont devenues rares, quelques sites méritent pourtant le détour. C’est le cas du Mont de Doville (129 m) avec sa chapelle et son ancien corps de garde (Doville, Saint-Nicolas-de-Pierrepont, à proximité de la Sangsurière), butte taillée dans les grès primaires et tapissée d’une dense couverture d’ajoncs (le « bouais jan » comme on dit localement) et de bruyères. Du sommet, aménagé par le Parc (panneaux, parking) s’ouvre une large vue alentour.
Le Mont Castre (Lithaire), situé non loin, à 6 km à l’est de La Haye-du-Puits, est aujourd’hui beaucoup plus boisé. Néanmoins, cette croupe de 130 mètres vaut la visite, entre autres pour ses affleurements gréseux et les vestiges d’occupation humaine qu’elle a conservé : près de la carrière aménagée (plan d’eau, parking), une allée couverte (sans dalles de couverture), un vieux château accroché à l’escarpement rocheux, les ruines de l’ancienne église du hameau ; plus à l’est, au point le plus élevé, les restes d’une enceinte protohistorique nommée localement « camp romain » (double rempart de terre avec fossé).
Rappelons enfin que Barbey d’AUREVILLY est natif de Saint-Sauveur-le-Vicomte où un musée lui est consacré. C’est ainsi que l’écrivain décrit, dans L’Ensorcelée (1852), les landes locales et, tout particulièrement, celles de Lessay :
« Placé entre La Haye-du-Puits et Coutances, ce désert normand, où l’on ne rencontrait ni arbres, ni maisons, ni haies, ni traces d’hommes ou de bêtes que celles du passant ou du troupeau du matin dans la poussière, s’il faisait sec, ou dans l’argile détrempée, s’il avait plu, déployait une grandeur de solitude et de tristesse désolée qu’il n’était pas facile d’oublier. La lande, disait-on, avait sept lieues de tour. Ce qui est certain, c’est que, pour traverser en droite ligne, il fallait à un homme à cheval, et bien monté, plus d’une couple d’heures. Dans l’opinion de tout le pays, c’était un passage redoutable… ».
On lui doit aussi la formule suivante, plus générale mais tellement vraie :
« L’imagination continuera d’être, d’ici longtemps, la plus puissante réalité qu’il y ait dans la vie des hommes ».
LE HAVRE ET LES LANDES DE LESSAY
Créances, La Feuillie, Millières, Pirou, Saint-Germain-sur-Ay (Manche)…
À voir à moins de 30 km : le havre de Portbail, le Mont Castre et le Mont de Doville, les marais du Cotentin, Coutances, la Pointe d’Agon-Coutainville, le havre de Regnéville-sur-Mer
Avec le havre de Lessay (en fait le havre de l’Ay à Saint-Germain-sur-Ay), situé une quinzaine de km plus au sud, nous sommes dans le secteur armoricain du Parc naturel régional des marais eu Cotentin et du Bessin plutôt situé, pour une large partie, sur les terrains sédimentaires du Bassin Parisien.
La visite de l’estuaire peut se conclure par une « virée », une dizaine de km plus vers l’est, jusqu’aux remarquables Landes de Lessay qui couvrent aujourd’hui environ 1500 ha (mais très morcelés, jadis 5000 ha !) sur des grès paléozoïques. C’est certainement à l’ouest de La Feuillie (en remontant le cours de l’Ay au sud-est de Lessay) ou encore vers Créances (sentier de découverte vers le Vivier et GR 223) que s’expriment le mieux les cortèges de landes sèches et tourbeuses encadrées par les boisements de pins et ponctuées, entre autres, de piment royal (Myrica gale) et de gentiane pneumonanthe (Gentiana pneumonanthe)… La forêt de Pirou, vers l’Éventard (avec chemin de randonnée), permet également de belles découvertes. À la nuit tombante, vous aurez peut-être, par chance, l’occasion d’y entendre l’engoulevent d’Europe (Caprimulgus europaeus), oiseau mimétique mais moins discret lorsqu’il lance de longs ronronnements très sonores qui lui ont valu le surnom « d’oiseau-mobylette ».
De retour à Lessay, on peut aller saluer les « Highland cattle » (vaches écossaises) qui assurent l’entretien de la tourbière de Mathon, première réserve naturelle de Basse-Normandie située à proximité de l’aérodrome. Pour plus d’information sur les possibilités de visites, rendez vous à proximité au CPIE du Cotentin, gestionnaire du site (suivre le fléchage « Maison de l’environnement » jusqu’à la rue de l’Hippodrome).
LES HAVRES DE LA CÔTE OUEST
Barneville-Carteret, Portbail, Lessay, Regnéville-sur-Mer, Bricqeville-sur-Mer (Manche)
À voir à moins de 30 km : le Cap de Flamanville, le Cap du Rozel, les dunes de Surtainville et d’Hatainville, les marais de la Sangsurière et de l’Adriennerie, le Mont de Doville et le Mont Castre, les Landes de Lessay, Coutances, la Cluse de Gavray, la Pointe du Roc à Granville, la vallée du Lude
Avec Regnéville et Bricqueville situés encore plus au sud, terminons notre « tournée » des estuaires. Sur une soixantaine de kilomètres, du nord et Barneville-Carteret au sud et Granville, la côte ouest du Cotentin présente donc cinq grandes embouchures aux caractères morphologiques et biologiques très voisins : ce sont les « havres », plutôt façonnés par la puissance des marées que par les fleuves, somme toute ordinaires voire petits, auxquels ils servent d’exutoire. Sur cette côte dans l’ensemble basse, ils alternent avec de beaux massifs dunaires dont ils viennent « crever » le cordon sableux.
En règle générale, la dérive littorale nord-sud leur a façonné un long bec sableux qui vient protéger, par le nord et en rive droite, une embouchure un peu « crochue » où peuvent se déposer les matériaux fins qui forment la « tangue » (une vase calcaire riche en débris coquilliers).
Le plus bel exemple est certainement donné par la Pointe d’Agon-Coutainville, grande flèche sableuse longue de 5 km qui défend l’entrée du havre de la Sienne, celui de Regnéville. Si ces longs becs progressent par apport de sédiments, en revanche, les rives et rivages méridionaux sont souvent tronqués par l’érosion et la montée actuelle du niveau des océans n’y est pas étrangère. Toujours pour le havre de Regnéville, l’Ifremer a constaté que la pointe de Montmartin-sur-Mer a reculé d’environ 180 mètres en moins de 20 ans, soit en moyenne 11 mètres par an (!), ce qui accroit le risque de submersion de zones urbanisées sur la commune voisine, Hauteville-sur-Mer.
Autre trait commun à ces estuaires, havres de la Vanlée, de Regnéville, de Lessay, de Portbail, de Barneville : ce sont ces monceaux de vases, nus ou couverts de végétations basses (slikke et schorre) qui s’agrippent aux fonds, s’accrochent aux berges et prennent une ampleur démesurée aux marées basses. Leur richesse ornithologique est aussi une qualité partagée qu’on goûtera notamment en basse saison pour observer les nombreux oiseaux hivernants. Enfin, le mariage entre plages démesurées, vastes massifs dunaires, mares d’arrières dunes et profonds estuaires (et production légumière sur une bonne partie de la zone…) est un des traits caractéristiques de cette côte des havres.
Mais chaque territoire a également ses spécificités. Par exemple, vers Granville et Bréhal, le plus méridional des havres, celui de la Vanlée (Bricqeville-sur-Mer), est réputé pour sa « route submersible » qui traverse les vasières et mène au cordon dunaire. Tout au nord à Barneville, l’estuaire est, pour sa part, dissymétrique et surplombé sur un côté par la haute corniche de Carteret qui domine le puissant massif dunaire d’Hatainville-Baubigny… Les havres de Lessay et de Portbail, quant à eux, s’inscrivent vers l’intérieur des terres dans un cadre de landes et de bas-marais qui mérite une attention toute particulière.
LA SLIKKE ET LE SCHORRE
Les « havres » sont caractérisés par leurs berges vaseuses. De prime abord, les vasières, glissantes, gluantes, salissantes… ne sont guère engageantes ! Précisons également que la vigilance reste de mise, comme dans tous les milieux instables et, de surcroît, sur des littoraux baignés par la Manche qui peut se retirer très loin et, à son retour, encercler les imprudents ! Mais les vasières brillantes, luisantes, changeantes, outre leur riche avifaune, abritent des végétations originales car très spécialisées : il leur faut savoir se maintenir dans les substrats mous, résister à l’eau, au soleil et surtout au sel, aux courants de crues et décrues et à l’incessant va-et-vient des marées : les adaptations des plantes sont nombreuses, réseaux racinaires étendus, petites tailles et petites feuilles, cuticules de protection, tissus charnus pour emmagasiner l’eau douce (plantes grasses)…
Malgré tous ces efforts, les contraintes naturelles arrivent à opérer une sélection parmi les candidates qui se répartissent en au moins deux grandes zones : la slikke et le schorre. Ces termes « volés » aux Néerlandais qui n’ont plus de conseils à recevoir en matière de polders, signifient respectivement « la vasière nue » et « le pré salé, ou l’herbu, ou le palud ».
La slikke (slijk = boue) correspond aux parties les plus basses recouvertes à chaque marée. Si elle abrite une quantité phénoménale d’organismes vivants (bactéries, invertébrés comme les vers et les mollusques…), peu de végétaux se risquent sur la vase (exception faite d’algues microscopiques, les diatomées…) qui reste nue si ce n’est dans ses parties hautes en limite du schorre où des herbes pionnières comme les spartines (Spartina…) et les salicornes (Salicornia…) parviennent à s’installer. Signalons pour la petite histoire que ces « cornes du sel », petites plantes grasses comestibles, sont consommées sous forme de « cornichons » ou de « haricots verts » et servies dans bon nombre de restaurants.
Le schorre (schor = pré salé) n’est recouvert qu’aux grandes marées (les « vives eaux »). Une végétation halophile (qui supporte la salinité) s’y développe, organisée, en fonction de sa tolérance, en ceintures : d’abord soudes maritimes (Suaeda maritima), asters maritimes (Aster tripolium) et glycéries maritimes (Puccinellia maritima) dans les zones les plus basses fréquemment atteintes par les marées ; ensuite, le moyen schorre est caractérisé par un bas groupement dense, buissonnant et argenté d’obione faux-pourpier (Halimione portulacoides) ; enfin, le haut schorre est occupé par des prairies à fétuques (Festuca rubra), chiendents (Agropyrum pungens) et statices ou « lavandes de mer » (Limonium…), espèces moins adaptées au sel.
Outre ces espèces qui traduisent les caractères de leur milieu de vie, les vasières recèlent des plantes peu communes et/ou protégées et « l’habitat naturel » lui-même est jugé posséder une valeur patrimoniale à l’échelle européenne.
LA VALLÉE DU LUDE ET LA CABANE VAUBAN
Carolles, Jullouville, Saint-Jean-le-Thomas (Manche)
À voir à moins de 30 km : Granville et la Pointe du Roc, la cluse de Gavray, Villedieu-les-Poêles, la baie du Mont Saint-Michel
À une trentaine de km au sud du havre de la Vanlée, le relief réapparaît avec le massif de Vire-Carollles ; ici, le granite s’arrête quasi face à la mer pour céder la place à une étroite ceinture de cornéennes. Aussi étroite qu’elle soit, cette auréole métamorphique n’en donne pas moins, entre Jullouville et Saint-Jean-le-Thomas, un imposant escarpement d’environ 70 mètres de hauteur connu sous le nom de falaises de Champeaux.
Le GR 223 borde ce puissant ensemble sur environ 5 km, avant d’aller rejoindre en longeant la baie : au sud Le Mont-Saint-Michel (environ 60 km à pied, 14 km à vol d’oiseau) ; au nord, Granville situé à une quinzaine de kilomètres. Une parenthèse mérite d’ailleurs d’être ouverte pour inciter à la visite de cette ancienne cité corsaire, notamment pour sa ville haute et les fortifications de la Pointe du Roc. Précisons que la vigueur de cette presqu’île pointant vers la Manche n’est pas due cette fois à des cornéennes, mais à des roches briovériennes armées de conglomérats résistants.
Sur la commune de Carolles, le sentier des Douaniers (le GR) longe donc en corniche les hautes falaises et donne accès à plusieurs sites remarquables, le Pignon Butor, le Rocher du Sard, la Cabane Vauban et Sol Roc, d’où s’ouvrent de larges panoramas : selon les endroits et le temps, vues sur les îles Chausey, la Pointe du Roc, bien entendu le Mont et même la Pointe du Grouin (Cancale) de l’autre côté de la Baie et en Bretagne ! Plusieurs accès sont possibles (avec stationnements) mais, à tout prendre, nous conseillons celui de la vallée du Lude (grand parking à l’ouest de Carolles, suivre le fléchage) qui donne une excellente prise de contact (pédestre) avec les lieux. Avant le départ vers ce site protégé, risquons une dernière suggestion aux visiteurs de tempérament un peu misanthrope : si vous le pouvez, évitez la haute saison car ce petit « coin » est particulièrement connu, reconnu et fréquenté !
Après une courte descente par un chemin rocailleux et ombragé, on rejoint bientôt le Lude (en fait le « Crapot »), un joli fleuve qui ressemble plutôt à un ruisseau. Il faut dire que de ses sources (vers Saint-Michel-des-Loups et Champeaux) à la mer, il n’y a qu’environ… 5 kilomètres !
Accompagnée du clapotis de l’eau qui court entre blocs et cailloux, la descente se poursuit sur quelques centaines de mètres jusqu’à la « Croisette » (la croisée des chemins), dans les granites qui composent de lourds mamelons mangés par les ajoncs et les fourrés de prunelliers et d’aubépines. C’est en arrivant à la côte que s’établit le contact entre granite et cornéennes, au niveau du « port du Lude ». Bien petit port (jadis de contrebande) pour un bien petit fleuve ! Ce dernier se perd bientôt sous le cordon de galets qui couvre la partie haute de l’estran rocheux taillé dans les roches métamorphiques. Le Rocher du Sard qui domine à main gauche (vers le sud) est également fait de cornéennes.
On appelle aussi cette crête la Chaire du Diable car c’est là que le Malin tenait ses quartiers, lors de sa lutte contre saint Michel. C’est d’ailleurs un furieux coup de glaive de l’Archange qui, selon la légende, aurait ouvert la vallée du Lude.
En continuant dans ces cornéennes toujours vers le sud, on arrive bientôt à la cabane Vauban d’où s’ouvre une magnifique vue sur les propriétés insulaires du saint entourées de leurs grèves de sables miroitants…
LA BAIE DU MONT-SAINT-MICHEL
Avranches, Courtils, Genêts, Le Mont-Saint-Michel, Vains (Manche), Cherrueix, Hirel, Roz-sur-Couesnon, Saint-Benoît-des-Ondes, Saint-Broladre, Le Vivier-sur-Mer (Ille-et-Vilaine)…
À voir à moins de 30 km : la Pointe du Grouin, le Mont Dol, Avranches, Saint-Michel-de-Montjoie, Villedieu-les-Poêles, Genêts, la Vallée du Lude et la Cabane Vauban, l’abbaye de la Lucerne, Granville et la Pointe du Roc
Retrouvons ici les vastes « plats », les vases et les sables et les bouchots (pieux en bois) car la conchyliculture est également une activité importante de la baie du Mont-Saint-Michel. Mais nous sommes plutôt ici pour rappeler quelques chiffres concernant cet étonnant ensemble de slikke, de schorre et de prés salés « coincés » dans l’angle droit formé par la rencontre de la Bretagne et du Cotentin. Si l’on rappelle qu’ici le marnage peut atteindre 15 à 16 mètres lors des marées de vives eaux exceptionnelles, que la mer peut se retirer sur plus d’une douzaine de kilomètres d’est en ouest (comme le signale l’implantation très occidentale des bouchots, au-delà de l’étonnant banc d’Hermelles1 du récif des Crassiers), que le flot revient en pouvant atteindre les 6 km / heure (disons un cheval au galop un peu fatigué…), que l’estran (zone régulièrement couverte et découverte) atteint environ les 200 km2, on comprend mieux pourquoi la Baie est un site international majeur pour l’accueil des limicoles (petits échassiers, oiseaux), environ 50 000 qui fréquentent chaque année cette Zone de Protection Spéciale européenne (ZPS) également retenue à l’inventaire des Zones Importantes pour la Conservation des Oiseaux (ZICO).
1 Les hermelles (Sabellaria alveolata) sont des vers marins vivant dans de petits tubes de sables cimentés par leurs sécrétions. Ces tubes, accolés les uns aux autres, vont jusqu’à former des sortes de récifs, si l’on veut un peu à la manière de leurs lointains collègues coralliens (qui, pour leur part, sont des cnidaires). La population d’hermelles du Mont-Saint-Michel, particulièrement développée en surface (jusqu’à 3 km) et en hauteur (le mètre), est la plus importante d’Europe. La colonie s’étend de Cherrueix (Ille-et-Vilaine) jusqu’au platier au bas de la pointe de Champeaux (Manche). Malgré cette belle extension, les bancs d’hermelles sont fragiles et le massif régresse et se fragmente : l’envasement et le piétinement (pêche à pied) sont des menaces non négligeables qui pèsent sur une espèce non protégée en France mais reconnue d’intérêt européen.
MONT BELEN, MONT TOMBE, MONT GARGAN OU MONT SAINT-MICHEL ?
Le Mont-Saint-Michel (Manche)
À voir à moins de 30 km : la Pointe du Grouin, le Mont Dol, Saint-Michel-de-Montjoie, Avranches, Villedieu-les-Poêles, Genêts, la Vallée du Lude et la Cabane Vauban, l’abbaye de la Lucerne, Granville et la Pointe du Roc
Le franc « succès » de l’archange saint Michel, dès le début de notre ère, tient à ce que cette figure emblématique « colle à l’air » de ces temps particulièrement troublés par les violences en tous genres. En effet, saint Michel est « l’ange en chef » qui, de la pointe de son puissant glaive, dirige la milice angélique. Si cette vision guerrière ne semble guère « catholique » et reste plutôt éloignée de l’idée que l’on peut se faire de l’amour chrétien, elle a néanmoins su rassembler sous sa protection des foules exposées à de longs siècles d’agressions et de terreur.
La vénération de l’archange, entamée au 1er siècle en Orient, gagne l’Occident vers le 5e siècle : l’édification dans les Pouilles (sud de l’Italie) d’un sanctuaire sur le Mont Gargano inaugure la tradition des pèlerinages voués au Prince des armées célestes. Suite à une nouvelle apparition de saint Michel, mais cette fois dans le Massif Armoricain, l’évêque d’Avranches Aubert (saint Aubert…) fonde en 708 (ou 710) un nouvel oratoire sur le Mont Tombe. Voilà un nom bien étrange pour un lieu de dévotion ! C’est en fait l’ancienne appellation de la Merveille de l’Occident, avant qu’elle ne soit rebaptisée, au temps de Charlemagne, « Mont-Saint-Michel-Au-Péril-De-La-Mer » (Mons Sancti Michaeli in periculo mari).
Or on dit que dans un passé lointain, de mer il n’y avait point ! La baie, de Saint-Pair-sur-Mer (Manche) à Dol-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine), était couverte par l’épaisse (et légendaire) forêt de Scissy d’où seuls émergeaient trois monts : le Mont Dol, le Mont Tombe et Tombelaine. Bien entendu, ces terres isolées et peu sûres étaient vouées aux cultes païens, comme bien des sylves primitives. Un raz-de-marée fort opportun les engloutit en un jour en 709. Curieusement, cette « purification » de la contrée correspond, à une année près, aux « révélations » faites à saint Aubert et à l’évangélisation du Mont ! Quoi qu’il en soit, cette montée des eaux quelque peu mythique serait la cause du caractère insulaire du Mont Tombe et du rocher voisin de Tombelaine. Précisons au passage que ces deux pointes rocheuses, tout comme le Mont Dol aujourd’hui dans les terres (ou plutôt dans les marais…, jadis une île, aujourd’hui située à quelques kilomètres entre la côte et Dol-de-Bretagne), sont faites de granites cadomiens.
Quant à l’origine très voisine des noms des deux îlots (Tombe et Tombelaine), elle semble bien attester la présence probable de monuments cultuels encore plus anciens, voire de mégalithes dont l’existence même a dû inciter à une christianisation urgente et radicale de ces lieux fortement symboliques. L’étymologie (du latin tumba ou de l’indo-européen tum) évoque en effet la sépulture ou le tertre. Le plus important des deux rochers, avec ses 80 mètres de haut, prend le nom de Tumba et, tout naturellement, le diminutif Tumbellana est donné au second, deux fois moins élevé. Cette référence à d’anciens tumulus a toujours constitué une invitation au passage vers les mondes invisibles qu’ont célébré les différentes légendes, gauloise, chrétienne, arthurienne, rabelaisienne qui, tour à tour, ont apporté leur pierre à la construction d’un mythe…
Commençons donc par le commencement, par la Gaule « chevelue » et par Mortain dont la position de « montjoie » lui a permis de nouer des relations privilégiées et fabuleuses avec le Mont, comme le rappelle un monument naturel nommé la « Chaire de Velléda ». Cette « table rocheuse » appartient à une longue enfilade d’escarpements et d’éboulis gréseux plus ou moins suivie par le GR 22 : Rochers de la Montjoie et de la Petite Chapelle dans Mortain même et, en pleine forêt vers l’est, Rochers de la Grande-Noë, du Dolmen, du Bouillant, de Vieille Bruyère, d’Hamon, du Balcon, à la Vierge… Velléda était une druidesse et prophétesse germaine du 1er siècle de notre ère, considérée comme une véritable déesse vivante par les Celtes… et par CHATEAUBRIAND qui va la « ressusciter » dans les Martyrs.
Dans le Mortainais, on raconte qu’en des périodes antiques, Velléda vivait heureuse sur Tombe-Belen, une île entièrement consacrée au culte du dieu-lumière Belenos. Mais un sombre jour, les légions romaines rompirent le calme et l’enchantement. La prêtresse, chassée par le tumulte, s’évanouit alors tout soudain pour aller se réfugier dans les solitudes de Mortain : là, un « dolmen » et une grotte installée au pied des Rochers de la Grande-Noë lui servirent quelques temps de lieu de dévotions et de refuge…
Broyé par l’arrivée d’un monde nouveau, le culte de la druidesse vierge s’est estompé sur le Mont Tombe, jusqu’à sembler disparaître. Pourtant les traditions, c’est là leur rôle, maintiennent vivantes des croyances que l’on aurait pu croire révolues et, longtemps après le départ des esprits forts, leur mémoire peut hanter les populations. À Pleine-Fougères (Ille et Vilaine) à une quinzaine de kilomètres au sud du Mont-Saint-Michel, les anciens rapportent qu’il n’y a encore pas si longtemps on célébrait Samain dans le pays. Lors de certaines obsèques, il était coutume de hisser le cercueil sur une hauteur dominant la baie pour tourner un court instant la dépouille en direction du Mont… considéré comme l’île des morts et une porte vers le monde des invisibles.
Dans la mythologie celtique, Samain (Samhain, Samhuinn, Samonios…), fêté le 1er novembre, est la cérémonie majeure qui marque le passage de la saison « claire » à la saison « sombre », les deux moments qui composent l’année. Cette parenthèse dure en fait une semaine complète durant laquelle on s’assemble –samain signifie « réunion »- pour participer aux rites druidiques et banqueter. Le jour-même de Samain sert de passerelle entre le monde des vivants et l’Autre Monde, le Sidh où résident dieux et héros. Halloween est une survivance de cette antique célébration où le rapprochement de l’univers des vivants et des morts autorise le retour sur terre des fantômes et des esprits : on « achète » leur clémence par de menus présents et l’on se déguise en revenant pour mieux passer inaperçu !
Au Moyen Âge, « l’affaire » des deux îles est déjà trop belle et la tentation trop forte pour que nos premiers romanciers ne s’emparent pas d’un mythe déjà bien forgé ! C’est ce que vont faire Geoffroy de MONMOUTH (dans son Histoire des Rois de Bretagne vers 1135) puis WACE (dans le Roman de Brut, vers 1155) en inscrivant définitivement le Mont Saint-Michel dans la mouvance arthurienne.
Les deux poètes nous content une histoire de famille dont la complexité des liens oblige, au préalable, à un court rappel généalogique. Hoël, roi d’Armorique et fidèle neveu d’Arthur, a une nièce (ou, selon les versions, une fille ?), épouse de Ban de Banoïc, roi en Marches de Gaule et de Petite Bretagne, et mère de l’incontournable Lancelot du Lac. Voilà dressé le décor d’une tragédie au dénouement insulaire.
On commence à douter de la bonne étoile d’Hélène (ou d’Élaine, puisqu’il s’agit d’elle) quand, à la mort de son époux, la reine éplorée se voit de surcroît retirer son jeune enfant par la fée Viviane qui va l’élever au fond d’un lac. À ce moment précis, l’on se dit que la pauvre femme a déjà eu son comptant de misères. Pourtant, les épreuves de la « reine aux grandes douleurs » ne sont pas finies : en effet, Arthur apprend que l’infortunée nièce d’Hoël est retenue en captivité au Mont Saint-Michel par un géant (ou un dragon selon les versions). On pourrait alors croire au « happy end » car la bravoure et la réussite du souverain sont déjà légendaires… Las ! Le roi arrive trop tard et découvre sur un des îlots la sépulture de la malheureuse, ce qui permet à WACE de conclure : « Del Tombel où Hélène iut (gît), Tombe Helaine son nom reçut ». Quant au géant (ou à la Bête) de Tombelaine, autant dire que le roi Arthur lui fait promptement son affaire… tout comme d’ailleurs un certain archange renommé pour avoir lui aussi terrassé le dragon !
À la renaissance, un recueil anonyme paru en 1532, les « Grandes et inestimables chronicques du grant et énorme géant Gargantua » relance avec truculence le débat sur l’origine du Mont et inspire au passage un certain Alcofribas NASIER. C’est en effet sous ce pseudonyme que François RABELAIS va se charger d’inventer une descendance (Pantagruel, 1532) à un géant déjà particulièrement populaire dans la France du 16e siècle.
Dans l’imaginaire collectif, Gargantua et ses proches symbolisent la force surnaturelle mais, dans l’ensemble, cette énergie est jugée bienveillante. On y trouve même un effet comique, le gigantisme permettant de critiquer les excès et la bêtise des forts et des puissants… Nos géants deviennent donc « bâtisseurs », non pas de cathédrales mais de monts, de rivières, de grottes, de rochers et de mégalithes dont ils vont se voir accorder la paternité. Bien des monuments naturels, bien des curiosités dont l’origine pose problème, sont tout simplement le fruit de l’étourderie de colosses qui n’ont conscience ni de leur taille, ni de leur force. Ici, c’est un gravier tiré d’une chaussure qui devient un gigantesque roc ! Là, c’est l’empreinte d’une botte qui devient vallée ! C’est ainsi que les « grandes et inestimables chronicques… » nous apprennent que les deux îlots de la Baie du Mont sont bien l’œuvre des parents de Gargantua.
Tout juste arrivé en bord de Manche, Grandgousier dépose son rocher sur la rive : voilà le Mont Saint-Michel ! Sa femme Galemelle laisse le sien un peu plus loin et voilà Tombelaine !
La simplicité de la situation garantit son côté burlesque. Il manque encore à l’histoire une dimension épique dont on est friand à l’époque : on ira la chercher tout naturellement dans le cycle arthurien et les poèmes de chevalerie du Moyen Âge. Ainsi, Gargantua va mettre ses talents au service du roi Arthur.
Quant à ses parents, toujours d’après les chronicques, ils ont été faits de poudre d’os de baleines mêlée au sang de Lancelot (pour Grandgousier) et aux ongles de Guenièvre (pour Galemelle) !
Ces légendes ancrées dans des corpus encore plus anciens ont amené certains érudits à se questionner sur le lien profond semblant exister entre Gargantua, le Mont et saint Michel. Il faut dire qu’il est troublant de retrouver la même racine « gargan » au monte Gargano où l’Archange est vénéré depuis la fin du 5e siècle ! Est-ce pour honorer la mémoire de ce premier sanctuaire que le Mont Saint-Michel sera aussi appelé, notamment dans des textes du 13e siècle, le Mont Gargan ?
Ou est-ce que Gargan peut être assimilé à Belenos qui, comme certains le prétendent, en serait le père ? Chez MONMOUTH, on trouve d’ailleurs un héros légendaire appelé Gurgunt Babtruc. Henri DONTENVILLE a également relevé dans d’anciennes chroniques galloises un Gurgunt, fils du roi Bélinus et de sa compagne Bélisama qui, bien entendu, peuvent être rapprochés des importantes divinités du panthéon gaulois que sont Belenos (Belen) et Belisama.
Sans vouloir véritablement trancher, on dira qu’il est vraisemblable qu’un culte du soleil ait pu précéder celui de l’archange sur les deux hauteurs perçant les grèves de la Manche. Pour lutter contre ces croyances ancestrales, il a même fallu à l’Église, dans ses efforts de christianisation, employer les grands moyens pour ébranler l’ardeur des païens surnommés par les Bénédictains « Gargantuates » (= ceux de Gargan). On a alors associé l’image du « sympathique » géant à celle du Démon et le temps et des aventures moins glorieuses ont fait le reste : de nombreux gouffres, chaos, mégalithes, rochers de Gargantua seront rebaptisés brèches, ravins… de l’Enfer et pierres du Diable.
Il n’en reste pas moins vrai que Belenos (qui signifie « brûlant »…), Belisama (la très « rayonnante »), Gargan et saint Michel partagent le même goût pour la lumière. Saint Michel n’est-il pas lui-même le « chef » des anges, le plus resplendissant des êtres de lumière que l’on vénère, pour cette raison, généralement dans des lieux élevés : le Mont Saint-Michel bien sûr, mais également le Mont Saint-Michel de Brasparts (le Menez Mikael-an-Are) dans les Monts d’Arrée (Finistère) et Saint-Michel-Mont-Mercure en Vendée… Gargan a aussi ses monts, le monte Gargano en Italie, mais aussi le quartier du Mont Gargan à Rouen et le Mont Gargan non loin de Limoges… Belenos n’est pas en reste : Tombe Belen, le Mont Bel-Air, point culminant des Côtes-d’Armor et jusqu’au Parc naturel du Mont Bélair à Québec !
Un autre « Lumineux » pourrait être ajouté à la liste, bien qu’il n’ait guère d’éminences à son palmarès, si ce n’est un mont très éloigné, en Guyane… Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé de s’approprier le Mont Tombe ! Il s’agit de l’adversaire de saint Michel, Lucifer dont le nom signifie le « Porteur de lumière »… Sans revenir sur une histoire plus vieille que le monde, l’on peut simplement rappeler que Lucifer était le plus grand et le plus brillant des anges, si grand et si beau qu’il se demanda un moment s’il n’était pas Dieu lui-même ! Un instant seulement, car un autre merveilleux archange lui aurait alors lancé la question fatidique : « Mi-cha-el ? » qu’on peut traduire par « Qui est pareil à Dieu ? », question si pertinente que ce dernier la portera désormais sur son blason pour les siècles des siècles ! La fin de l’histoire est somme toute assez prévisible : à la suite d’un combat épique, Lucifer et ses cohortes sont poussés jusqu’aux enfers par les armées célestes et Michael, en récompense de sa fidélité, prend du galon. Couronné prince des milices angéliques, il devient vite très populaire dans la religion chrétienne car c’est le « champion » des forces du Bien contre celles du Mal. On retiendra également que cet Archange du Premier Rayon, officiant sur le Mont Tombe qui prendra son nom, est également psychostase et psychopompe, c’est-à-dire chargé de peser les âmes (il est alors représenté avec une balance) et de guider les élus, dans la nuit de la mort, vers le Paradis.
Quant à l’Ange déchu, c’est pour son orgueil qu’il est assimilé par la tradition chrétienne à Satan. S’il était besoin de le défendre, on pourrait pourtant rappeler que Lucifer fut, dans la mythologie grecque, un dieu de lumière et de connaissance… C’est, en particulier, l’un des noms que les Romains donnaient à Vénus, « l’étoile du matin »… Quoi qu’il en soit, Lucifer-Satan ne va pas renier aussi facilement ses amours de jeunesse, en deux mots, la varappe ! Comme ses frères de lumière, Belenos, Gargan… il aime les défis, escalader les plus grandes montagnes et ainsi rivaliser avec le Très-Haut. Il reviendra plusieurs fois dans la Baie pour tenter de voler le Mont à saint Michel, mais en vain car depuis l’avènement des temps nouveaux, son concurrent est en odeur de sainteté ! Les derniers épisodes de cet affrontement font même pitié à écouter, tant le pauvre Diable est rabaissé et la lutte inégale. Lors de ses dernières lices au Mont Dol, sa bêtise est si grande que l’on se demande si le combat n’est pas truqué.
C’est ainsi qu’il échange le Mont qu’il vient de construire contre un palais de cristal érigé par l’archange, en fait un château de glace qui fond et disparaît bientôt… Une autre fois, alors que la sécheresse règne, les deux anges sont obligés de s’allier dans la culture de la terre pour pouvoir subsister ; bien sûr, ils partageront la récolte. La première année, le Diable n’a droit qu’aux racines d’un champ de blé alors que Saint Michel en emporte le grain. L’année suivante, échaudé par la déconvenue, le Démon choisit « le dessus » et n’obtient que les feuilles d’un champ de pommes de terre dont l’archange hérite des tubercules !
Pauvre Satan ! Nous l’avons vu en meilleure forme et l’on comprend sa colère…
Durant de longs siècles, le Mont Saint-Michel s’est donc débattu entre les cultes jusqu’à se trouver un nom vénéré par les miquelots, ces pèlerins aujourd’hui (2013) absorbés dans une masse d’environ 2,5 millions de visiteurs par an !
Ce premier pari gagné, le Rocher doit toujours se battre, mais cette fois contre les éléments pour conserver sa splendeur insulaire et son titre de « Merveille de l’Occident ». Car l’histoire semble se répéter et l’épisode de la forêt de Scissy vouloir se renouveler, le colmatage du site pouvant lui valoir à court terme le nom peu envié de « Mont-Saint-Michel au péril de la terre » !
Cette sédimentation déjà bien engagée résulte d’une dynamique naturelle a priori passablement accélérée par les aménagements anciens : poldérisation de nombreuses terres, construction de la digue-route à la fin du 19e siècle, édification du barrage équipé de portes à flot sur le Couesnon dans les années 50… Mais les techniques actuelles laissent espérer de nouveaux miracles grâce auxquels les spécialistes pensent rétablir le caractère maritime du Mont Saint-Michel. Après 10 années d’études, les travaux débutés en 2005 devraient s’achever en 2015 et permettre à ce haut lieu de l’humanité, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, de retrouver sa superbe d’antan : implantation d’un nouveau barrage sur le Couesnon (2009) ; mise en service des équipements d’accueil, du nouveau parc de stationnement sur le continent et des navettes de transport (2012) ; création d’un pont-passerelle ouvert aux piétons et aux navettes (2014) ; destruction de l’ancienne digue-route et ouverture d’un gué submersible lors des marées aux coefficients les plus forts, soit quelques jours par an (2015).
Le plan d’action des ingénieurs s’appuie sur les capacités retrouvées du Couesnon à éloigner les sédiments du Mont et, bien sûr, sur la puissance exceptionnelle des marées de la baie du Mont Saint-Michel. Il faut en effet préciser que leur marnage de 14 m (différence entre la plus haute et la plus basse mer en un jour donné) compte parmi les plus forts au monde, après ceux des baies d’Ungava (17 m) et de Fundy (16 m) au Canada, et celui du canal de Bristol (15 m) en Grande-Bretagne. Espérons que cette énergie jouera bien le rôle de chasse d’eau, ou plutôt de sable, attendu car de tels travaux, quelque peu pharaoniques, ne peuvent que susciter les passions contradictoires…, un exercice dans lequel, le Mont Belen, le Mont Tombe, le Mont Gargan, le Mont Saint-Michel est passé maître : certains se plaignent déjà de l’allongement des distances que l’on ne peut que parcourir à pied ; d’autres, au contraire, se félicitent de la nouvelle approche, plus sensible, plus naturelle et plus progressive du roc coiffé de son abbaye bénédictine fondée au 10e siècle ; d’autres, enfin, pourront se plaindre de la surfréquentation et d’un sur-tourisme que ne manqueront pas d’amener cette « remise en eau » un peu artificielle…