La Suisse Normande
Publié le 21 juin 2024, par Charles-Erik LabadilleINTRODUCTION À LA SUISSE NORMANDE
La Suisse Normande ? Malgré tout ce qu’elle peut avoir d’excessif, la comparaison avec les reliefs helvètes n’est pas récente : dès 1828, un membre de la Société des Antiquaires de Normandie nommé GALERON présente déjà cette région singulière comme une « Petite Suisse ». L’idée fera son chemin jusqu’à l’appellation actuelle ; elle gomme peu à peu de son aura touristique un long passé minier colorant de rouge un ancien pays du fer : mines de Saint-André et May-sur-Orne, d’Urville-Gouvix, de Soumont–Saint-Quentin-Potigny, de Saint-Germain-le-Vasson et de Saint-Rémy (musée).
Dans sa globalité, l’entité touristique est construite sur la partie encaissée du fleuve Orne, sur une cinquantaine de kilomètres, de Thury-Harcourt (Calvados) au nord, à l’amont de Putanges (Orne) au sud. Cet ensemble pourrait d’ailleurs tout-à-fait être prolongé d’une quinzaine de kilomètres vers le nord, jusqu’à Laize-la-Ville et May-sur-Orne, communes situées aux marges du Bassin Parisien et aux portes de la capitale bas-normande, Caen.
La Suisse Normande, principalement dans le Calvados, est tout d’abord faite d’une succession nord-sud de vestiges de synclinaux primaires : synclinal de May, d’Urville, de la Zone bocaine, de la Roche d’Oëtre (en limite du Calvados et de l’Orne). Ces lambeaux de plis en creux sont séparés entre eux par des zones de plateaux où apparait le socle précambrien bien plus ancien : c’est là que se dressaient jadis les bombements, les anticlinaux démantelés par l’érosion et aujourd’hui disparus. Les synclinaux, étirés d’ouest en est comme des « fuseaux », sont de tailles très différentes. Par exemple, nous avons vu que le principal, le synclinal bocain, s’étend sur plus d’une centaine de kilomètres, presque de la Manche à Bierre et au Vaudobin, (Orne). En revanche, il ne reste que peu de témoin de celui de la Roche d’Oëtre.
Certains puristes aimeraient d’ailleurs limiter l’appellation de Suisse Normande à la traversée du synclinal bocain par l’Orne : Caumont, Saint-Rémy, Clécy, ce qui en réduit considérablement l’extension nord-sud ; mais ce n’est pas l’avis général fondé sur des considérations moins « primaires »…
Car, à l’amont dans l’Orne, la Suisse Normande, c’est également une zone essentiellement précambrienne et granitique particulièrement tourmentée (Gorges de l’Orne et de la Rouvre). La Suisse Normande enfin, c’est, une terre « léchée » par le Bassin Parisien sur toute sa façade orientale. C’est aussi un véritable « couloir » touristique, car l’intérêt décroit à mesure que l’on s’éloigne des cours d’eau, à l’origine des remarquables « reliefs en creux ».
Pour conclure, on pourrait presque parler de 3 Suisses Normandes : la Suisse Normande des synclinaux au nord ; la Suisse Normande granitique au sud ; et, autour de cette dernière, la Suisse Normande métamorphique.
LA BOUCLE DU HOM ET LA FORÊT DE GRIMBOSQ
Croisilles, Curcy-sur-Orne, Goupillères, Grimbosq, Hamars, Mutrécy, Ouffières, Thury-Harcourt, Trois-Monts, (Calvados)…
À voir à moins de 30 km : Saint-Martin-de-Sallen, le Mont Pinçon, le Val de May et le Val de Laize, Caen, la cluse de Caumont-sur-Orne, les Rochers de la Houle, Clécy et les Rochers des Parcs, Pont-d’Ouilly, la Roche d’Oëtre et les Gorges de la Rouvre, Pont-Erembourg et les Gorges du Noireau, les Gorges de la Vère, la cluse de Pontécoulant
Démarrons tout au nord, vers Thury-Harcourt, cette visite de cette «Suisse occidentale»…Si de nombreux sites normands sont de dignes « ambassadeurs » des schistes briovériens, leur topographie les éloigne bien souvent de l’image évoquée par la Suisse et ses versants enneigés. En règle générale, les vestiges précambriens sont plutôt plats, érosion oblige, parfois même monotones.
Certains, néanmoins, avec leurs horizons de vastes tables ondulées, profondément disséqués par les cours d’eau, peuvent rappeler de lointains hauts plateaux du Limousin, voire même quelques planèzes du Cantal. La région de Thury-Harcourt (Calvados), située à une vingtaine de kilomètres au sud de Caen, en fait certainement partie !
Ce petit pays qui borde au nord le Synclinal bocain forme une sorte de contrefort septentrional à la Suisse Normande. Il s’abaisse doucement du sud (200 m vers Hamars) au nord (150 m vers Ouffières et Goupillères, 100 m à Mutrécy en Forêt de Grimbosq). Malgré les altitudes somme toute modestes, l’Orne et de nombreux petits affluents entaillent profondément la vaste table inclinée façonnée dans les roches briovériennes : près de 115 mètres de dénivelée au Hom à Thury-Harcourt, une centaine à Hamars, Curcy-sur-Orne, Trois-Monts, une soixantaine vers Grimbosq tout au nord… Cette vallée de l’Orne mérite bien d’être suivie, plutôt en rive gauche par la D 212, de Thury-Harcourt à Amayé-sur-Orne où le Pont du Coudray permet de traverser la rivière et de rejoindre Mutrécy. Le GR 36 et sa variante permettent de belles promenades sur les deux rives, pleines de sentiers sinueux, d’escarpements rocheux, de coteaux boisés et de points de vue.
Mais de nombreux visiteurs considèrent que le clou de la visite reste bien la Boucle du Hom, située juste au nord de Thury-Harcourt (de Caen, accès par la D 562 et, à l’entrée de la ville, à droite par la D 6 en direction d’Aunay-sur-Odon puis encore à droite).
Les petites routes permettent de faire le tour, en à peine 3 km que l’on peut parcourir à pied, de ce méandre encaissé presque recoupé par le fleuve. Dans le secteur, le briovérien est constitué d’une alternance de schistes dominants et de grès et ce sont certainement ces derniers (ainsi que les failles ?) qui ont contraint l’Orne à un tel détour. Une « fabuleuse » brèche, en forme d’étroit couloir où passe la chaussée qui coupe le pédoncule du méandre (après le pont), permet même de « pénétrer » dans les plis cadomiens (bien visibles) qui vous encadrent. Après ce court « voyage au centre de la terre » (!), on peut accéder par la route à droite à un beau point de vue situé à 100 m (route de Saint-Silly et Croisilles, stationnement délicat et accès pédestre conseillé), ou prendre à gauche pour suivre le méandre par la route en fond de vallée jusqu’à la Roche à Bunel. Le GR 36 permet d’accéder en haut du plateau où a été aménagée une aire d’envol de delta-plane.
Dans cette vallée encaissée, la roche qui par endroits se délite facilement permet l’expression des végétations rupestres et les amateurs pourront y trouver, avec quelques recherches, les dernières stations normandes de capillaire du nord (Asplenium septentrionale) et de galéopsis des moissons (Galeopsis segetum). Bien entendu, les ultimes refuges de ces plantes qui localement font figure de « rescapées » (protection régionale) doivent être respectés avec le plus grand soin : pour emporter un souvenir, une photo suffira…
Les randonneurs peuvent aussi aller découvrir les belles vallées de Hamars (ruisseau de Vingt Bec), de Curcy-sur-Orne (vers le Mesnil Levraut et le Val Gosse, ruisseau de la Maladrerie), d’Ouffières (ruisseau du Val de Cropton) ou, plus au nord, celle de l’Orne vers la Chapelle Sainte-Anne en Forêt de Grimbosq (accès par Grimbosq), sans doute l’une des promenades dominicales favorites des Caennais.
SUR LE PONT D’OUILLY…
Pont-d’Ouilly (Calvados)
À voir à moins de 30 km : la cluse de Pontécoulant, le Mont Pinçon, la Boucle du Hom et la Forêt de Grimbosq, les coteaux du Val de Laize, les Rochers de la Houle, Falaise, Putanges-Pont-Écrepin, les Gorges de Saint-Aubert et le lac de Rabodanges, le pierrier du Bec Corbin, la Roche d’Oëtre et les Gorges de la Rouvre, les méandres de Rouvrou, le Mont de Cerisy, les Gorges de la Vère, Flers, les Gorges du Noireau et Pont-Erembourg, Condé-sur-Noireau
Pour rester dans le précambrien, «sautons» le Synclinal bocain (nous allons y revenir) pour rejoindre un peu plus au sud Pont-d’Ouilly (Calvados). C’est le centre touristique idéal pour continuer les pérégrinations dans le flysch, cette alternance de schistes et de grès briovériens, profondément entaillés ici par l’Orne et le Noireau à leur confluence. Le bourg pittoresque et escarpé est particulièrement animé l’été, notamment grâce au dynamisme de sa base de canoë-kayak (descentes familiales, en groupe…), à sa guinguette au bord de l’Orne…
Plusieurs pistes peuvent être proposées pour de nouvelles excursions. Par exemple, à la sortie du bourg, se dresse en bord de route et d’Orne le curieux Rocher du lion que l’on peut rejoindre en voiture par la D 167 en direction du Mesnil-Villement (et de la Roche d’Oëtre à 7 km).
Mieux encore, le GR 36 que l’on gagne au sud-ouest du bourg amène aux grands escarpements des Fresnées et de la Courbe : ces remparts de pierre encadrent un nouveau méandre de l’Orne qui vient « butter » sur les splendides Rochers de Brisevieille que l’on voit sur la rive opposée (Cossesseville, Calvados). Quant au GR 36, il descend bientôt vers le fond de vallée, longe l’Orne et continue vers le nord et l’aval jusqu’à rejoindre Le Bô puis les Rochers des Parcs situés à 8 km.
Pour ceux qui ne souhaitent pas entamer cette longue marche, de beaux panoramas, accessibles en voiture, permettent de deviner cette lourde barre gréseuse à l’horizon. L’un des plus étonnants se situe sur l’imposant épaulement dégagé par l’Orne et le Noireau à l’ouest de Pont-d’Ouilly qui, de ce fait, parait niché au creux des hauteurs. La D 1 qui gravit avec peine la forte côte en direction du Fresne (et de Condé-sur-Noireau et Clécy) prend vite des allures de route de crête perchée entre les deux vallées encaissées. Une fois passés le Bourg de Saint-Marc et la petite route de Dessus le Bois, une impasse à droite mène au point de vue : à 250 m, la voie s’achève brusquement sur un coteau très pentu (tourné au nord vers l’Orne) et utilisé comme site d’envol de delta-plane (parking). À l’horizon, se dégage l’alignement des Parcs, ruban rocheux rougeâtre tranchant sur le cadre verdoyant du bocage touffu. Parfois, au premier plan, un troupeau de Limousines vient ponctuer de robes acajou (« froment vif » disent les puristes…) ce tableau bucolique que l’on situerait volontiers dans des contrées plus méridionales !
Le versant opposé, méridional (on oserait presque dire « l’adret ») domine de 135 mètres la vallée du Noireau. De la D 1, 400 mètres plus loin sur la gauche, on peut y « dévaler » directement par la pittoresque petite route d’Arclais, ou préférer emprunter plus sagement, notamment si l’on est propriétaire d’un imposant camping-car, la D 911 qui longe la rivière au sortir de Pont-d’Ouilly (en direction de Pont-Erembourg).
Quant aux randonneurs, ils ont tout intérêt à ne pas manquer cette magnifique « étape » qu’ils pourront suivre, comme les VTTistes, par monts et par vaux (le Bourg de Saint-Marc, les Planches, le Rocray, la Martelée…). Le GR 221, que l’on « attrape » également en sortie de Pont-d’Ouilly, leur offre cette opportunité et les conduit en quelques kilomètres du flysch à l’auréole métamorphique du granite d’Athis.
LA SUISSE NORMANDE BOCAINE
Caumont-sur-Orne, Clécy, Cossesseville, La Pommeraye, Le Bô, Le Vey, Saint-Omer, Saint-Rémy, Saint-Martin-de-Sallen (Calvados)…
À voir à moins de 30 km : le Mont de Cerisy, le Mont Pinçon, la Boucle du Hom, Caen, les Rochers de la Houle, le val de Laize, la Brèche au Diable, le coteau du Mesnil-Soleil, Falaise, Pont-d’Ouilly, les méandres de Rouvrou, la Roche d’Oëtre et les Gorges de la Rouvre, les Gorges de Saint-Aubert et le lac de Rabodanges, Flers, le Mont de Cerisy, les Gorges de la Vère, Pont-Erembourg et les Gorges du Noireau, Condé-sur-Noireau, la cluse de Pontécoulant…
C’est une Suisse Normande qui nous est familière car nous l’avons déjà découverte en visitant d’ouest en est le Synclinal bocain. Néanmoins, au risque de nous répéter, il nous faut replacer cette Suisse-là dans son nouveau contexte «nord-sud».
Ce petit retour sur image a tout son intérêt car le secteur est le seul, en Suisse Normande, à présenter des cluses, ces passages forcés d’un cours d’eau au travers d’une barre de roche dure.
Tout d’abord, il faut préciser que la présence dans les paysages normands de ces longues échines rocheuses est à rapprocher de l’évolution de certains massifs anciens, d’abord érodés puis rajeunis, comme c’est le cas ici pour la chaîne Hercynienne : on parle alors de dynamique «appalachienne» pour désigner ces formes très typées. Elles apparaissent donc sous la forme de lignes de crête résistantes et parallèles, séparées par des dépressions établies dans les roches plus tendres. Cette morphologie caractérise les anciennes chaînes plissées, d’abord aplanies (la «pénéplanation» se traduit par l’altitude plus ou moins égale des différents sommets) puis à nouveau soulevées ; l’exhaussement entraîne une reprise de l’érosion bien plus efficace dans les couches fragiles que dans les bandes de roches dures bientôt mises en relief et devenues de véritables lignes de crêtes.
Mais comment les rivières réussissent-elles à traverser de tels obstacles «placés» sur leur passage ? Pour expliquer ce tracé surprenant, on évoque le réseau des failles et des fractures suivi par les eaux, ou encore la surimposition : établi initialement sur des roches tendres (calcaires du Bassin Parisien, argiles…), le cours d’eau creuse son lit et, une fois au contact de couches plus résistantes (quartzites, poudingues…), ne peut que continuer à s’enfoncer sur place dans le matériau dur. Précisons que le Bassin Parisien est tout proche vers l’est et qu’il devait jadis étendre ses assises bien plus à l’ouest, donc au moins sur une bonne partie de la Suisse Normande !
Au final, nous avons donc de puissantes barres rocheuses, le plus souvent établies dans les grès armoricains et les poudingues primaires, et des rivières qui, plutôt que de les contourner, les traversent directement, disons perpendiculairement, par de profondes et spectaculaires cluses : voilà la marque de fabrique appalachienne. Sur la base de cette définition, toutes les vallées encaissées ne peuvent donc pas prétendre au «titre» envié de cluses : ainsi, dans d’autres contextes, dans les granites ou dans les schistes, on parlera de gorges, ce qui n’est déjà pas si mal ! Pour conclure avec le sourire, on pourrait presque dire que la chaîne Cadomienne plus ancienne (Protérozoïque) n’a plus droit qu’aux gorges et aux méandres encaissés alors que la suivante, la chaîne Hercynienne (Paléozoïque) se réserve encore quelques cluses ! Qu’elle n’oublie pas d’ailleurs qu’elle les doit à sa cadette pyrénéenne qui, bien plus tard, à relevé légèrement le sud de la région permettant une reprise de l’érosion…
Dans la Suisse Normande calvadosienne, les cluses s’observent au niveau des affleurements de poudingues. Ces conglomérats, des grès enfermant des graviers et des galets, se sont déposés au tout début du Paléozoïque (Cambrien) ; ils forment les couches les plus anciennes, les plus profondes des synclinaux et n’apparaissent que sur leurs flancs redressés sous forme de bandes de roches dures. Ces crêtes résistantes qui font saillie et encadrent au nord et au sud le Synclinal bocain sont franchies perpendiculairement par le fleuve Orne. Elles sont l’occasion de deux escales pour découvrir ce pays au décor accidenté.
C’est sur le flanc nord du synclinal bocain, au niveau de Caumont-sur-Orne, que les formes sont les mieux dessinées. Les conglomérats et grès pourprés, longés par la petite Départementale 134, forment une longue bande boisée percée au droit de Caumont par la cluse de l’Orne. La route de Clécy à Thury-Harcourt (D 562), perpendiculaire au relief comme le fleuve, utilise d’ailleurs cette trouée naturelle pour opérer son passage sud – nord et s’échapper du synclinal. La barre rocheuse, qui surplombe le cours d’eau d’une centaine de mètres, offre sur ses hauteurs deux magnifiques points de vue : en rive droite et proche de l’Orne, le site de la chapelle de Bonne Nouvelle à Esson ; en rive gauche et un peu plus éloigné (à une dizaine de km, accès par le Pont-de-la-Mousse et le Mesnil-Roger), celui de la chapelle Saint-Joseph à Saint-Martin-de-Sallen, un village qui vaut la visite. De Saint-Joseph campé au sommet de la crête allongée, le regard domine, en direction du nord, les vastes bas-plateaux précambriens (flysch briovérien) de Thury-Harcourt situés à l’emplacement de l’ancien anticlinal primaire disparu. De retour vers Caumont et la chapelle Bonne Nouvelle, le modelé devient évident sur cette aile orientale de la crête. L’observateur remarque à l’œil nu toute une succession de cluses qui tronçonnent, par morceaux de 500 à 1000 mètres de long, la barre rocheuse : cluse de Bonne Nouvelle, des Fosses, de La Courrière, de Combray, les trois premières empruntées par de petites routes. Les plantations de résineux aidant, les paysages prennent ici un petit air « vosgien »…
Pour le flanc méridional du synclinal bocain, le tracé de l’Orne est plus complexe. Venu du sud, des terrains précambriens de Pont-d’Ouilly, Saint-Cristophe et Le Bô, le fleuve semble d’abord rater son entrée en force dans le pli primaire. Il se heurte de front au « rempart » de poudingues et de grès pourprés qui borde le synclinal à Clécy (rive gauche) – Le Vey (rive droite), vire à angle droit vers l’ouest pour longer la bande résistante sur plus d’un kilomètre.
C’est ainsi qu’est mis en évidence le splendide escarpement des Rochers des Parcs, élément minéral qu’on repère à partir de nombreux endroits et donc véritable symbole identitaire des paysages locaux. Cette longue barrière presque verticale (Espace Naturel Sensible du Calvados), au pied tapissé de pierriers plus ou moins boisés, est un site extrêmement fréquenté de nos jours par les grimpeurs, tout comme la rivière l’est par les touristes s’initiant aux plaisirs du canoë-kayak. Les marcheurs ne sont pas en reste et peuvent suivre les Rochers des Parcs par le bas (accès en rive droite par le camping du Vey et tout droit vers le viaduc) ou par le haut (accès par la petite route à gauche, face au camping).
Après un kilomètre et demi de parcours conjoint « crête-rivière », brusquement, juste après le viaduc et profitant certainement d’une zone de fractures, l’Orne reprend sa liberté. Elle tourne à nouveau à angle droit au nord entre les Rochers des Parcs (Le Vey, rive droite) et ceux de la Croix de la Faverie et de la Cambronnerie (Clécy, rive gauche). C’est par cette cluse empruntée par la départementale 168 que le fleuve entre dans la « capitale » de la Suisse Normande : les nombreuses activités sportives et touristiques ont fixé ici, à touche-touche sur les bords de l’Orne, restaurants, crêperies et points de location (les « guinguettes »).
En fait, comme au nord vers Caumont, la barre rocheuse, ici aussi, est « découpée » en tronçons que l’on peut découvrir un peu mieux en regagnant un dernier point. Cette étape sera également l’occasion d’embrasser du regard cette part septentrionale (calvadosienne) de la Suisse Normande. À Clécy, il faut traverser l’Orne au pont et emprunter en voiture la D 133a qui mène au Vey ; deux kilomètres plus loin, après le Haut du Vey, tourner à droite vers la Cour à Mombret –les Rochers des Parcs sont indiqués- et tout droit vers un petit parking.
D’ici et vers l’ouest (à pied par la petite route puis le chemin à droite), on accède rapidement au sentier de crête qui suit l’enfilade des Rochers des Parcs et offre de remarquables et nombreux belvédères naturels. C’est l’itinéraire « classique » qu’empruntent de nombreux visiteurs, avec vues sur les plateaux méridionaux entaillés par l’Orne et le Noireau et, au terme de la promenade, un belvédère « plongeant » sur Clécy, le viaduc et au nord, le « Pain de sucre ».
Néanmoins, pour les cluses, c’est plutôt de l’autre côté (vers l’est) qu’il faut se tourner. Au pied du parking, le vallon en forte pente de « la Bruyère » ouvert vers le sud-ouest est déjà une petite cluse qui sépare les Rochers des Parcs de ceux des Bruyères-du-Bô. Au parking, par le GR de pays, traversez ces Bruyères vers l’est et vous arrivez, à moins d’un kilomètre, au bord d’une nouvelle cluse, plus imposante. Elle permet le passage de la route du Bô à La Pommeraye (D 168b) et sépare cette fois la crête des Bruyères-du-Bô et celle de La Bruyère de Mainboeuf. Si l’on pouvait continuer à pied vers l’est (mais le GR part au nord…), on noterait encore l’existence de deux dernières cluses, ouvertes au niveau de la Pommeraye. Mais gardons quelques réserves pour la suite de notre périple…
LES ROCHERS DE LA HOULE
Le Bô, Pierrefitte-en-Cinglais, la Pommeraye, Saint-Omer (Calvados)
À voir à moins de 30 km : Saint-Martin-de-Sallen, le Mont Pinçon, la Boucle du Hom et la Forêt de Grimbosq, Caen, les coteaux du Val de Laize, les cluses de Caumont-sur-Orne, Falaise, Clécy et les Rochers des Parcs, Pont-d’Ouilly, la Roche d’Oëtre et les Gorges de la Rouvre, les méandres de Rouvrou, le pierrier du Bec Corbin, les Gorges de Saint-Aubert et le Lac de Rabodanges, les Gorges du Noireau et Pont-Erembourg, Flers, la cluse de Pontécoulant
Entre les « barres » de la zone bocaine, pourtours sud et nord constitués par les solides barres de poudingues tout juste présentés, la partie centrale du synclinal est principalement occupée par des schistes déposés sur les conglomérats qu’ils masquent, sauf sur les bords du pli. Ces roches, toujours d’âge paléozoïque (Cambrien), sont de couleurs différentes et de nature variée (en mélange avec des grès, des carbonates…) : schistes et calcaires ; schistes violacés de Gouvix ; schistes verts du Pont de la Mousse… Sans aller plus loin dans le détail, on retiendra simplement que ces assises plus ou moins schisteuses (souvent schisto-gréseuses) ont également été « malmenées » par l’érosion jusqu’à acquérir, par défonçage, une valeur paysagère indéniable. Un court itinéraire, par exemple à partir de Pont-d’Ouilly, permet de présenter quelques lieux originaux et un site véritablement exceptionnel.
Au nord de Pont-d’Ouilly, la D 511, puis bientôt la D 23 mènent à Saint-Christophe où commence la lente ascension vers Saint-Clair (306 m, Pierrefitte-en-Cinglais). La route longe à main droite la splendide gorge entaillée par le minuscule ruisseau d’Orival qu’on peut décider de suivre par de petits sentiers rocailleux (GR de Pays) au travers des prairies de pente, des bois escarpés et des forêts de ravin. Au retour, en prenant par la gauche (par la D 168b et le même GR « Tour du Pays de Falaise »), on arrive à La Pommeraye, avec de somptueux panoramas ouverts au faîte de la commune, vers le Mont de la Foudre ou le Pré Nouveau (point de vue signalé). En continuant vers l’ouest la D 168b sur environ 1 km, s’offrent bientôt une vertigineuse descente vers le Bô ou une redoutable montée vers le Corps du Sel : émotion garantie même en voiture mais à éviter les jours de neige, sauf en luge !
Avec le dédale de petites routes qui quadrillent le bocage serré, il serait vain de vouloir expliquer maintenant le chemin qui mène au « clou » de la visite, les Rochers de la Houle… Nous sommes bel et bien perdus mais c’est pour le plus grand bonheur des yeux ! Néanmoins, on peut signaler aux éternels grincheux qu’il leur suffit de rejoindre la D 133 et Saint-Omer, à quelque 4 km de La Pommeraye. 1 km après la sortie du bourg, les fameux escarpements tant convoités sont indiqués sur la gauche (parking).
Précisons que l’on peut y accéder dans « l’autre sens », en venant de Caen et Thury-Harcourt. Il suffit d’emprunter la même D 133 entre Caumont-sur-Orne et Saint-Rémy, ou, au sortir de cette commune, à gauche avant la voie ferrée, la D 133b puis la véritable « route des crêtes » qui tutoie le bord de l’escarpement. Les autocaristes choisiront plutôt la première !
À bien des égards, le site des rochers de la Houle a de quoi surprendre. Après le stationnement et une courte descente, le promontoire s’évanouit soudain sous le pied devant le vide, 180 mètres de dénivelée et, en contrebas, l’Orne : rien d’étonnant donc à ce que l’endroit ait été plébiscité, comme son proche voisin à peine distant de 600 mètres, comme lieux d’envol de deltaplanes. Bien entendu, le panorama est à couper le souffle !
Mais, peut-être plus original, il existe un véritable sentier de corniche qui part vers l’ouest (à droite face au vide) pour rejoindre le Pain de Sucre (un curieux mamelon boisé) et le GR 36 qui court vers la vallée et Saint-Rémy.
Dans sa partie sommitale, ce magnifique layon tracé sur les dalles schisteuses (par endroit, attention au vertige !) est frangé de vires rocheuses qui, au printemps, portent de remarquables pelouses à minuscules plantes annuelles : catapode des graviers (Micropyrum tenellum), spergule de Morison (Spergula morisonii), cotonnière naine (Logfia minima)… Vers le sud, le GR rejoint en 1,5 km le Vey puis bientôt, les poudingues qui forment la barre des Rochers des Parcs.
LA ROCHE D’OËTRE ET LES GORGES DE LA ROUVRE
Ménil-Hubert-sur-Orne, Notre-Dame-du-Rocher, Sainte-Honorine-la-Guillaume, Saint-Philbert-sur-Orne, Ségrie-Fontaine, Taillebois (Orne)…
À voir à moins de 30 km : Pont-Erembourg et les Gorges du Noireau, les Gorges de la Vère, Pont-d’Ouilly, les méandres de Rouvrou, Flers, la cluse de Pontécoulant, Condé-sur-Noireau, le Mont de Cerisy, le Mont Pinçon, la Boucle du Hom, les Rochers de la Houle, Clécy et les Rochers des Parcs, la Brèche-au-Diable, Falaise, le Coteau du Mesnil-Soleil, le Rocher du Mesnil-Glaise, les méandres de la Courbe, Putanges-le-Lac, le lac de Rabondanges, les Gorges de Saint-Aubert, le pierrier du Bec Corbin
Continuons notre périple vers le sud pour entrer dans le département de l’Orne. La Roche d’Oëtre (Saint-Philbert-sur-Orne) constitue une excellente transition avec les terrains hercyniens du Calvados car, en plus du granite, les vestiges d’un synclinal primaire (pli en creux) viennent conclure ici la configuration plissée développée plus au nord dans le Synclinal bocain. Mais cette fois, le pli est bien petit et il n’en reste quasiment que les poudingues résistants qui armaient sa base, «perchés» sur les granites sous-jacents qu’ils ont en partie protégés de l’érosion. Ce minuscule synclinal domine une gorge splendide dégagée par la Rouvre dans l’ancien pli anticlinal (bombé vers le ciel) où les roches plus anciennes ont été mises au jour. Il s’agit bien de deux montagnes comme « posées » l’une sur l’autre : au sommet, un petit bout de Chaîne Hercynienne avec le poudingue gréseux ; en dessous, un morceau de Chaîne Cadomienne avec des granites datés d’environ 540 millions d’années. Le contact remarquable est situé à mi-pente en descendant vers le torrent. Si l’altitude n’est guère élevée, en moyenne 150-180 m, la dénivelée en représente près des deux tiers et les corniches gréseuses dominent, parfois presqu’en à-pic, les gorges de 118 mètres au plus haut !
Tous ces chiffres ont de quoi donner le vertige et, par prudence, on ne s’approchera pas trop du vide et des rebords d’escarpements ; ces derniers ont, par ailleurs, été aménagés et sont parcourus par un sentier adapté.
Car la fréquentation du site, entre 75 000 et 100 000 visiteurs selon les années, imposait que des dispositions soient prises pour sa visite, son interprétation et sa préservation. La valeur du patrimoine naturel : géologie, landes, flore des rochers et lichens, forêt-galerie humide, mulette perlière, loutre, saumon… était déjà à l’origine de nombreuses mesures de protection : site classé, arrêté préfectoral de biotope, Natura 2000, Espace Naturel Sensible de l’Orne… Ces mesures ont récemment été complétées par la réalisation d’un important projet de sauvegarde et de valorisation touristique du site mis en place par les collectivités locales, la communauté de communes d’Athis-de-l’Orne et Flers-agglo. Outre les stationnements, restaurant, boutique nature, « parcours-aventure », itinéraires de découverte, on y trouve un pavillon avec Point d’Information Régional qui renseigne les visiteurs et les renvoie, dans le cadre d’un réseau « Montagnes de Normandie » vers les sites escarpés de même nature.
La Rouvre est un cours d’eau exceptionnel et « décalé » en Normandie, ne serait-ce que par son caractère véritablement torrentiel, ses cascatelles, son lit sableux et rocheux parsemé de chaos granitiques. Un de ses intérêts, et non des moindres, c’est d’avoir conservé une belle forêt-galerie plutôt « sauvage » sur une quinzaine de kilomètres, de sa confluence avec l’Orne à Rouvrou (Ménil-Hubert-sur-Orne) jusqu’à Craménil, vers l’amont. Or, les ripisylves (forêts de berge) à aulnes (Alnus glutinosa) et frênes (Fraxinus excelsior) se font rares, et celle-ci, piquée de tilleuls à petites feuilles (Tilia cordata), ourlée de touffes d’osmondes royales (Osmunda regalis) et de grandes luzules (Luzula sylvatica) a franchement de quoi séduire !
Si de nombreux secteurs privés existent, quelques endroits privilégiés permettent de découvrir ce torrent que les enfants apprécieront en été pour ses eaux vives, ses gros cailloux, ses nombreux gués et ses petites plages de sable… Car nous sommes bien dans les granites et la rivière charrie inlassablement ces « arènes » qui proviennent de la désagrégation de la roche grenue et se déposent, un temps, au fond de petites criques plus protégées.
À la Roche d’Oëtre, un sentier escarpé, mais aménagé, permet de rejoindre le cours d’eau que l’on peut remonter sur environ 3 km jusqu’à la Maison du paysage (fléchage « sentier du granite »). C’est une marche agréable, loin du bruit et des voitures, et une excellente occasion de découvrir, souvent sous son manteau de mousses et de lichens, ce granite gris-bleu d’Athis, en fait plus précisément une granodiorite cadomienne. Dans son ensemble, elle apparaît sous forme d’une longue « amande » d’environ 25 km sur 10, allant d’Athis-de-l’Orne à l’ouest jusqu’aux alentours de Putanges à l’est. Le massif est bien souvent profondément altéré, par endroits jusqu’à 15 mètres d’épaisseur, et la roche affleure régulièrement à l’état de boules. Dans les gorges, situées ici tout au nord du massif, la Rouvre a emporté les matériaux plus ou moins meubles et les blocs imposants se sont accumulés dans son lit et sur les berges.
En variante, l’excursion peut débuter sur le site des Maisons de la Rivière et du Paysage (visite libre, expositions, café-nature, stationnement dans la vallée, entre les communes de Ségrie-Fontaine et de Bréel). Le CPIE des Collines normandes et ses partenaires ont mis en place ici un itinéraire d’environ 2 km, avec balises commentées, qui permet d’accéder de « plain-pied » au cours d’eau et, éventuellement, de rejoindre le sentier parti de la Roche d’Oëtre. Ce parcours pêche sportive pour publics à mobilité réduite offre une excellente alternative de découverte aux personnes âgées, couples avec poussettes, publics handicapés… et leur retire définitivement toute possibilité d’excuses pour ne pas découvrir la Rouvre !
Un peu plus au sud, le site du « Chant des cailloux » ne laissera pas le visiteur indifférent. On y accède par la D 15 entre Taillebois et Notre-Dame-du-Rocher, au pont. Un petit sentier, plus ou moins carrossable (sans possibilité de croisement) permet d’accéder au stationnement d’une dizaine de places. Le site, aménagé en aire de pique-nique montre les nombreux chicots granitiques, ici appelés des bœufs, qui émaillent les prairies. Il peut également servir de point de départ d’une boucle de randonnée, agrémentée de cascatelles, qui longe la Rouvre par les deux rives (retour par Sainte-Honorine-la-Guillaume…).
LES GORGES DE SAINT-AUBERT
Putanges-le-Lac, Rabodanges, Les Rotours, Saint-Aubert-sur-Orne, Sainte-Croix-sur-Orne (Orne)
À voir à moins de 30 km : Pont-Erembourg et les Gorges du Noireau, Condé-sur-Noireau, les Gorges de la Vère, Flers, la cluse de Pontécoulant, Pont-d’Ouilly, les Rochers des Parcs et Clécy, la Roche d’Oëtre, les méandres de Rouvrou, le pierrier du Bec Corbin, Falaise, le Coteau du Mesnil-Soleil, le Camp celtique de Bierre, la cluse du Vaudobin, le Rocher du Mesnil-Glaise, les méandres de La Courbe, Argentan, le marais du Grand-Hazé
Vous croyez connaître l’Orne, le principal fleuve de la Normandie armoricaine ? Son nom évoque pour la plupart d’entre nous un large ruban indolent qui traverse Caen avant d’aller se jeter dans la mer. Eh bien, entre Putanges-le-Lac et Saint-Philbert, la rivière prend des airs de torrent à sa traversée du massif granitique d’Athis-Putanges : de là à rappeler que nous sommes toujours en Suisse-Normande, il n’y a pas loin. Même si nous avons quitté définitivement les synclinaux primaires, l’ambiance de cette vallée encaissée, presque montagnarde, est particulièrement dépaysante. Indiquons donc sans plus tarder les principaux points d’accès à ces gorges granitiques qui, évidemment, partagent de nombreux points communs avec celles de la Rouvre : fortes pentes, cours d’eau torrentiel, cascatelles, boules granitiques, chaos rocheux et reliefs ruiniformes (tors), lits de sables, forêt-galerie, chemins raides et vestiges de modes de vie révolus, vieux moulins, villages abandonnés, murets de pierre sèche encadrant des parcelles, aujourd’hui boisées, jadis en labour…
Avec leur pente longitudinale particulièrement forte, leurs versants escarpés taillés dans le granite, les Gorges de Saint-Aubert, comme celles de la Rouvre, valent absolument le détour.
On y parvient principalement sur le site du lac de Rabodanges, au pont par un chemin longeant la retenue vers le nord-ouest ; ou au barrage-même (stationnement au Plessis, Rabodanges) d’où un petit sentier descend à la « Pierre plate », une large dalle, avec marmites, léchée par l’Orne. Un peu plus loin, un joli tor granitique, la « Roche à la brisée », borde le torrent.
À 4 kilomètres et sur la même rive, on peut gagner en voiture le site plus « retranché » du Moulin de la Jalousie : accès par Rabodanges puis, à l’église,
par une petite voie goudronnée en direction des Oiseaux et du Val Besnard, stationnement délicat au niveau du fléchage « la Jalousie ».
Pour se rendre au Vieux Saint-Aubert (vestige d’une église), sur la rive opposée, il faut prendre, après avoir traversé le lac par le pont, la D 249 à droite en direction de Sainte-Croix-sur-Orne puis, à 2 km, tourner encore sur la droite vers Saint-Aubert-sur-Orne. À 1 km, le stationnement se fait à la Trousserie (petit parking) d’où l’on peut descendre à la rivière par le GR 36.
Les gorges ont été amputées d’une part de leur linéaire par la création du lac de Rabodanges dont les eaux, en revanche, permettent détente et motonautisme (ski…). Cette longue retenue de près de 6 kilomètres s’achève aux portes de Putanges-le-Lac, un bourg jadis ouvrier animé par les grosses forges et la tannerie . Aujourd’hui, la commune baignée par l’Orne, avec ses jolies maisons en granite, est devenue un petit centre local de villégiature.
Quelques kilomètres à l’est de Putanges, vers Ménil-Jean et Giel, le massif granitique s’achève brusquement sur sa ceinture métamorphique composée de terrains « cuits » par les magmas, les futurs granites, lors de leur lente mise en place.
LES MÉANDRES DE ROUVROU ET DE SAINT-PHILBERT
Ménil-Hubert-sur-Orne, Saint-Philbert-sur-Orne (Orne)
À voir à moins de 30 km : le Mont de Cerisy, la cluse de Pontécoulant, Condé-sur-Noireau, les Gorges de la Vère, Flers, Pont-Erembourg et les Gorges du Noireau, Pont-d’Ouilly, la Roche d’Oëtre, le pierrier du Bec Corbin, Clécy et les Rochers des Parcs, les Rochers de la Houle, Falaise, le Coteau du Mesnil-Soleil, les méandres de La Courbe, le Rocher du Mesnil-Glaise, Putanges-le-Lac, Rabodanges et les Gorges de Saint-Aubert
La mise en place d’un batholithe granitique (en fait à l’origine une grosse « bulle » de magma) au sein des terrains encaissants provoque, par chaleur et pression, la « cuisson » de ces derniers dans un rayon de quelques centaines de mètres à quelques kilomètres. Comme pour de nombreux plutons, ce contact s’observe autour du massif d’Athis-de-l’Orne (Orne) où les flyschs cadomiens (Précambrien) ont été transformés, disons métamorphisés, en roches de nature différente formant des auréoles autour du granite : au plus proche, les cornéennes ; au plus loin, les schistes tachetés.
Bien souvent, la présence des cornéennes dures et compactes se marque dans les paysages par un ressaut topographique, parfois vigoureux et par une physionomie générale, comme « taillée à la serpe », qui peut rappeler celle rencontrée dans les grès armoricains. Cette importante auréole thermique (métamorphisme de contact), difficilement dissociable de la composante granitique qu’elle entoure, donne une occasion de poursuivre la visite de la Suisse Normande méridionale par quelques sites remarquables qui participent pleinement à l’originalité et à la qualité des paysages. Avant de rejoindre le sud du massif où elles sont également présentes (La Courbe), «attaquons» ces cornéennes par le côté nord et les communes de Ménil-Hubert-sur-Orne et de Saint-Philbert-sur-Orne, à deux pas du petit synclinal de la Roche d’Oëtre «perché» sur le granite cadomien.
La massivité des cornéennes, l’important réseau de fractures également, ont certainement contraint les cours d’eau à musarder plus que de raison : leurs parcours « atypiques » se déclinent en splendides méandres encaissés que l’on observe à Ménil-Hubert et à Saint-Philbert. Nous verrons que l’Orne a adopté la même stratégie au sud du massif granitique d’Athis.
Au nord donc, à 2 km de la Roche d’Oëtre, la confluence de la Rouvre et de l’Orne s’organise en de somptueuses sinuosités qui concernent les deux cours d’eau. Une visite pédestre des splendides méandres encaissés de Rouvrou (Ménil-Hubert-sur-Orne) s’impose, par les grands escarpements des Rochers des Gardes qui surplombent la Rouvre et offrent un remarquable point de vue ; ou par ceux du Cul-de-Rouvre longés par le GR 36 et bordés par endroits de pelouses naturelles rupestres et de fourrés de genévriers (Juniperus communis). Si la balade vaut le détour, il faut admettre que les différents belvédères ne permettent d’appréhender visuellement qu’une fraction des sinuosités.
Sur la commune mitoyenne de Saint-Philbert-sur-Orne, à deux pas ou en voiture (de la Roche d’Oëtre, par la D 329 puis, au calvaire, à droite vers le barrage du Breuil) on peut rejoindre les grands méandres encaissés de l’Orne que l’on a pu voir jadis photographiés dans les manuels de géographie. Les quelques corniches en bord de route, d’où s’observent les larges boucles, permettront également aux promeneurs attentifs et discrets de remarquer des lézards des murailles (Lacerta muralis) mais aussi de beaux spécimens de lézards verts (Lacerta viridis) ! Ces mêmes méandres très boisés et très isolés peuvent être visités plus difficilement (voie sans issue, stationnement improbable…) par l’autre rive calvadosienne (Les Isles-Bardel) et le hameau également nommé, comme celui que nous allons bientôt découvrir, La Courbe… A priori, c’est un nom qui va bien aux sites fortement enclavés même si, celui tout juste vu de «Cul de Rouvre» est tout aussi légitime…
LE PIERRIER DU BEC CORBIN
La Forêt-Auvray, Ménil-Hermei (Orne)
À voir à moins de 30 km : le Mont de Cerisy, la cluse de Pontécoulant, Condé-sur-Noireau, les Gorges de la Vère, Flers, Pont-Erembourg et les Gorges du Noireau, Pont-d’Ouilly, la Roche d’Oëtre, Clécy et les Rochers des Parcs, les Rochers de la Houle, Falaise, le Coteau du Mesnil-Soleil, les méandres de La Courbe, le Rocher du Mesnil-Glaise, Argentan, Putanges-le-Lac, le lac de Rabodanges et les Gorges de Saint-Aubert
Pour gagner le sud du massif granitique et les autres grands méandres en amont de Putanges, prenez donc la route qui va de La Forêt-Auvray à Ménil-Hermei (D 21). De nouvelles surprises vous y attendent. Les réfractaires à l’idée de « montagne » découvriront, à leur grand dam, une véritable route en lacets qui mène à l’Orne. Cette voie permet d’observer la vallée « marquetée » de prairies de pente à l’intérêt botanique incontestable : saxifrages granulés (Saxifraga granulata), œillets velus (Dianthus armeria), spiranthes d’automne (Spiranthes spiralis)… Le stationnement est possible au pont, non loin d’un moulin ancien (12e siècle) visible du bord de route mais situé dans la propriété du château de la Forêt-Auvray (privé).
De là, le GR 36, qui part vers l’ouest et les méandres de Saint-Philbert, permet d’atteindre à moins de 100 m, le pied de l’imposant escarpement couvert par un splendide pierrier de cornéennes tapissées de mousses et de lichens. Ça y est ! Vous allez vous dire : l’auteur «déjante» complétement ; on s’arrête maintenant au tas de cailloux… En effet, on s’arrête à ces grands éboulis car s’ils sont fréquents en montagne, ce n’est pas du tout le cas dans les régions de plaines et de collines ! Ne les gravissez donc pas car ces imposants amas de pierres ont une histoire et témoignent du long façonnement de la vallée depuis environ 10 000 ans, c’est-à-dire la fin des grands froids quaternaires. Ces milieux instables sont par définition fragiles et, de surcroît, précieux car très originaux à l’échelle du Grand Ouest !
Ici, les plantes « inférieures » (lichens…) font le bonheur des savants à lunettes et barbes blanches qui viennent de temps à autres s’enquérir de leur état de santé. Un peu plus loin en suivant le GR, en limite Orne et Calvados, les petits escarpements bordant le lac ce Saint-Philbert abritent même une petite fougère devenue rarissime en plaine, le capillaire du Nord (Asplenium septentrionale). Les plantes supérieures ont également leurs « fleurons » : dans le pierrier le galéopsis des moissons (Galeopsis segetum) ; dans les bois de ravin le dompte-venin (Vincetoxicum hirundinaria) ; sur les corniches sommitales, la spergule de Morison (Spergula morisonii), espèces toutes trois protégées au niveau régional. Laissons donc aux scientifiques les risques d’entorses et autres dommages, et ce d’autant plus que le Bec Corbin –puisque c’est le nom de cet escarpement- abrite d’autres locataires qui n’aiment guère être dérangées au fond de ces solitudes silencieuses !
De longue date, une famille de fées a investi les rochers, Roche du Meunier, Bec Corbin, Roche aux fées et Cheminée des fées. C’est du haut de ce dernier quartier de pierre, énorme bloc pyramidal qui « calfeutre » l’entrée d’une grotte, que s’échappe, dans les lumières rasantes de la basse saison, un filet de fumée blanche : même pour des fées, les hivers sont rudes en Normandie ! Aux beaux jours, il leur arrive de gagner la résidence d’été, tout juste située à 4 kilomètres à la « Roche d’Oître » (prononciation locale de la Roche d’Oëtre) : il s’agit de la Chambre des fées, une autre grotte ouverte à flanc de paroi où elles dorment la journée entière, mais de plus en plus mal du fait de la fréquentation croissante ! La nuit tombée et les touristes repartis, elles vont danser sur la lande avec leurs maris, « de petits hommes habillés de velours et coiffés d’un chapeau vert planté d’une plume de geai ».
LES MÉANDRES DE LA COURBE
La Courbe, Giel-Courteilles, Ménil-Jean (Orne)
À voir à moins de 30 km : le marais du Grand-Hazé, les Gorges de la Vère, Flers, les Gorges du Noireau et Pont-Erembourg, Condé-sur-Noireau, Pont-d’Ouilly, Putanges-le-Lac, le lac de Rabodanges et les Gorges de Saint-Aubert, le pierrier du Bec Corbin, la Roche d’Oëtre et les Gorges de la Rouvre, Falaise, le camp celtique de Bierre, le Vaudobin, la cluse de Goult, le Rocher du Mesnil-Glaise, Argentan
Voilà bien des sites où l’Orne s’en donne à cœur-joie pour folâtrer et franchir en 17 kilomètres à peine plus de 3 kilomètres à vol d’oiseau ! Malheureusement, il n’est guère de point de vue pour se faire une idée juste de ces larges divagations. Le visiteur devra se contenter de coups d’œil fragmentaires mais néanmoins, bien souvent mémorables. C’est aussi l’occasion de découvrir, pour ceux qui sont à la recherche de ressourcement, des espaces particulièrement tranquilles car profondément isolés. Dans ce dédale de boucles, les ponts sont rares (juste au niveau des trois lieux présentés) et parfois même si étroits qu’ils ne permettent pas le croisement en voiture (Mesnil-Glaise) !
4 km en amont de Putanges (D 909 puis, à gauche, D 781), le pont de la Villette (Ménil-Jean, Giel-Courteilles) marque le contact entre les granites (rive gauche) et les cornéennes (rive droite). C’était jadis un grand rendez-vous de pêcheurs à la mouche qui, dans ce cours peu profond et courant, suivaient d’un œil attentif le léger leurre flottant dans les veines d’eau encadrées de longs herbiers de blanches renoncules flottantes (Ranunculus fluitans). Les enfants peuvent toujours s’y tremper les pieds (aire de pique-nique) et les parents, selon leur confession, grimper à la chapelle par le GR 36 (12e siècle, Ménil-Jean) ou rendre hommage au joli menhir de la Longue roche (3 m, aire de pique-nique, Giel) solidement planté en rive droite.
Pour accéder à La Courbe la bien nommée, il vaut mieux suivre les pancartes routières ! Il s’agit parfois de jolis panneaux anciens gravés et attachés en haut d’un mat de quelques mètres de hauteur, petit patrimoine local que le Département a si bien su conserver mais qui n’est pas toujours très lisible ! Comme en montagne, après avoir enfin trouvé les lieux et mérité cette « course », vous pourrez profiter des richesses toutes pastorales de cette petite commune (63 habitants en 2016 !) presque totalement « étranglée » dans les grands méandres encaissés de l’Orne. Le GR 36, du pont de la Villette au Mesnil-Glaise, reste le meilleur moyen pour découvrir un site apparemment bien calme et pourtant foisonnant de curiosités. Une « variante » possible, sans rejoindre Mesnil-Glaise et avec retour par le chemin de la Noë des Rivières, permet de parcourir une boucle d’environ 10 km.
La position défensive de La Courbe n’a pas échappé aux anciens qui l’ont transformée en éperon fortifié en barrant le pédoncule du méandre (les « Remparts vitrifiés », murus gallicus de la fin de l’âge du fer, 1e siècle av. J.-C.) vers le lieu-dit le Haut-du-Château. Ce nom rappelle également qu’une forteresse a succédé (fin du 11e siècle) à ces premiers aménagements stratégiques faisant de La Courbe une importante place de guerre. Si le méandre suivant n’est pas à proprement parlé barré, son resserrement est occupé par l’église du village et par un curieux « tumulus » d’une circonférence de 150 m pour une hauteur de 10 m appelé localement la « Voie romaine » (accès en voiture au Bas de La Courbe par une jolie petite route en pente forte et stationnement).
Sur le même pédoncule à 500 m (accessible par la D 771 puis, après la carrière, par le GR 36 sur une centaine de mètres), se tient le petit menhir de la Pierre Tournoire. À proximité, le chemin offre, par l’intermédiaire de trouées dans les arbres, quelques points de vue qui, malheureusement, ne permettent de saisir que de courtes portions des majestueux méandres.
Les randonneurs qui parcourent le site évoquent volontiers le naturel de ses paysages, tout en eau, roche, herbe et forêts, et surtout sa grande quiétude, à peine interrompue, l’été, par quelques cris de buses variables. Les pêcheurs parlent, pour leur part, des grands herbages qui longent l’Orne où alternent des radiers balayés par les eaux vives et des « mouilles » plus profondes qui jadis, donnèrent lieu à de mémorables prises de brochets ! Quant aux naturalistes, ils ont reconnu dans ces longues prairies inondables des espèces aussi remarquables que l’œnanthe faux boucage (Oenanthe pimpinelloides) ou la fritillaire pintade (Fritillaria meleagris)… Le patrimoine naturel du site, avec, entre autres, la présence de la loutre et de grands ensembles de forêts de ravin (avec grandes luzules et scolopendres en mélange) a d’ailleurs permis de l’inscrire au titre des Espaces Naturels Sensibles du département de l’Orne.
LE ROCHER DU MESNIL-GLAISE
Batilly, Sérans, Écouché-les-Vallées (Orne)
À voir à moins de 30 km : le marais du Grand-Hazé, Condé-sur-Noireau, les Gorges de la Vère, Flers, Pont-Erembourg et les Gorges du Noireau, Pont-d’Ouilly, Putanges-le-Lac, le lac de Rabodanges et les Gorges de Saint-Aubert, le pierrier du Bec Corbin, la Roche d’Oëtre et les Gorges de la Rouvre, Falaise, le camp celtique de Bierre, le Vaudobin, la cluse de Goult, les méandres de La Courbe
Reprenons nos routes étroites, nos fléchages à l’ancienne et, en quelques mots, nos « raccourcis », pour arriver enfin au Mesnil-Glaise situé à 1 km à vol d’oiseau de La Courbe, 5 km par le GR et environ 7 km par la route ! Il faut donc y mettre du cœur, mais l’arrivée par le haut du village a de quoi surprendre : joli manoir et ferme du château (privés mais visibles de l’allée en impasse) juchés en bord de corniche avec panorama sublime ; raidillon goudronné dont la courte mais forte pente vous laisse espérer que les freins du véhicule ne lâchent pas ; étroite passerelle routière (une voie à charge limitée) comme jetée avec indifférence sur l’Orne et stationnement… Un accès est également possible par le bas du hameau : de La Courbe, par la D 771 en direction de Montgaroult et Sérans puis 2 fois à droite par la Lande Terrée.
Malgré cet enclavement, largement créé par la topographie accidentée et l’Orne qui, à la rencontre des cornéennes, entame ici sa première boucle, les lieux sont plutôt fréquentés. Bien sûr, cette réputation est lié au pittoresque de l’endroit, mais également à une situation géographique qui accentue encore son caractère insolite : par le Rocher du Mesnil-Glaise (Batilly, Sérans), le Massif Armoricain entre en contact direct avec le Bassin Parisien qui, à perte de vue, étend vers l’est les vastes plateaux des « Campagnes » agricoles de Caen, Argentan, Sées et Alençon. Les premières « argiles à silex » (certainement résiduelles de la décarbonatation de calcaires sur de très longues durées) recouvrent le socle ancien à peine à 500 mètres du site, dans le bois de la Lande ; les premières couches calcaires (Bathonien) de la cuvette d’Écouché apparaissent à 2 kilomètres… Ainsi, par contraste (openfields / bocage ; grande culture / prairie ; molle topographie / piton rocheux…), cette véritable porte du Massif Armoricain prend une valeur inattendue.
Il faut dire que le château (reconstruit fin 19e siècle sur l’assise d’une forteresse ancienne), fièrement campé sur son éperon de cornéennes et qui tutoie le vide, ne manque pas de chien ! L’Orne également a de l’allure, surtout en juin lorsque ses grands rideaux de renoncules flottantes teintent de blanc ses eaux courantes ! Pour couronner l’affaire, un raidillon rocailleux mène, à flanc de paroi, à la minuscule chapelle Saint-Roch : ce très ancien lieu de pèlerinage est toujours fréquenté, les lundis de Pentecôte, par les fidèles qui attendent guérison de celui qu’on a coutume de représenter avec son chien.
Encore quelques pas et l’on accède au belvédère tapissé, sur ses marges, de petites pelouses naturelles à orpins. Profitons de ces parois rocheuses pour signaler aux connaisseurs de fougères que la rare doradille du nord (Asplenium septentrionale), signalée dans le secteur à la fin du 19e siècle, n’a pas été retrouvée. Sa recherche peut donner l’occasion aux amateurs de défi de découvrir, au cours de nouvelles prospections, un petit pays attachant à la flore très voisine de celle de La Courbe.
PONT-EREMBOURG ET LES GORGES DU NOIREAU
Berjou (Orne), Saint-Denis-de-Méré (Calvados)
À voir à moins de 30 km : la cluse de Pontécoulant, Condé-sur-Noireau, le Mont Pinçon, la Boucle du Hom, les Rochers de la Houle, Clécy et les Rochers des Parcs, Pont-d’Ouilly, Falaise, Putanges-le-Lac, les Gorges de Saint-Aubert et le lac de Rabodanges, le pierrier du Bec Corbin, la Roche d’Oëtre et les Gorges de la Rouvre, les méandres de Rouvrou, le Mont de Cerisy, les Gorges de la Vère, Flers
Puisque le Massif Armoricain «s’arrête» au Mesnil-Glaise, mettons le cap à l’ouest, à l’autre « bout » du massif granitique d’Athis, aux limites des départements de l’Orne et du Calvados, pour finir ce périple entamé dans les cornéennes. Les vallées encaissées du Noireau (affluent de l’Orne) et de la Vère (affluent du Noireau) ont de quoi séduire les randonneurs qui peuvent les parcourir, notamment par le GR 221 ou le GR de Pays « du tour de la Suisse-Normande ».
Par rapport aux marges métamorphiques méridionales plus enclavées, le cadre est différent car nous sommes ici dans la mouvance de cités industrielles, Flers (Orne) et Condé-sur-Noireau (Calvados) qui, de longue date, ont animé une économie locale d’abord tournée vers le textile et la métallurgie (filature, tissage, mines de fer…) puis vers le secteur de l’industrie automobile.
Le bourg touristique de Pont-d’Ouilly (Calvados) est le point de départ idéal pour reprendre la visite de ces terrains « cuits » par le granite. Néanmoins, la commune est elle-même située dans le flysch briovérien comme nous l’avons vu. Il faut donc, en sortie ouest du bourg, prendre la D 911 qui longe le Noireau. C’est à environ 6 km, au niveau du hameau de Cambercourt (Berjou) que l’on retrouve notre ceinture métamorphique que l’on aura soin « d’attacher pour l’occasion » car la petite route affiche une nette tendance à « tournicoter » ! Elle sinue, comme le Noireau, entre les grands escarpements de cornéennes dont certains, comme ceux du Bois de Berjou (envol de delta-plane) sont « grignotés » par la forêt, d’autres, comme ceux du Val Pichard, sont hérissés de rochers et tapissés de pierriers.
Au terme de ce « couloir » de 4 kilomètres, route et rivière arrivent à Pont-Erembourg (Saint-Denis-de-Méré), un joli village qui mérite une halte. C’est le point d’embarquement du « vélo-rail » (location de draisiennes à pédalier) qui permet de découvrir d’une façon insolite cette vallée longée par une voie ferrée jadis construite pour dynamiser le développement industriel de la Suisse Normande. Pour ceux qui préfèrent les traditionnelles chaussures de marche, ils n’auront que l’embarras du choix puisque ce hameau « coincé dans ses montagnes » est situé à l’intersection des GR 226, GR 221 et GR de Pays « du tour de la Suisse Normande » ! Pour mieux apprécier le paysage et l’importance des dénivelées (près de 120 mètres), on ne peut que conseiller le sentier (GR de Pays) partant du bourg pour rejoindre, vers l’est, Berjou. L’autre versant offre un remarquable point de vue. On y accède en voiture (en sortie du village, à droite après le pont) par la petite D 256 qui grimpe courageusement (forte pente) jusqu’au haut de l’épaulement (petit stationnement). Du belvédère, installé en marge d’un bois et d’une lande colonisant les rochers, s’ouvre un large panorama sur la vallée et les groupes de maisons solidement « arrimées » à leurs pentes bocagères.
LES GORGES DE LA VÈRE
Athis-de-l’Orne, Aubusson, Montilly-sur-Noireau, Sainte-Honorine-la-Chardonne, Saint-Pierre-du-Regard (Orne)
À voir à moins de 30 km : la cluse de Pontécoulant, le Mont Pinçon, la Boucle du Hom, les Rochers de la Houle, Clécy et les Rochers des Parcs, Condé-sur-Noireau, Pont-d’Ouilly, les Gorges du Noireau et Pont-Erembourg, Falaise, Putanges-le-Lac, les Gorges de Saint-Aubert et le lac de Rabodanges, le pierrier du Bec Corbin, la Roche d’Oëtre et les Gorges de la Rouvre, les méandres de Rouvrou, le Mont de Cerisy, Flers
C’est également à Pont-Erembourg que le Noireau « reçoit » la Vère que l’on peut suivre en voiture sur une dizaine de kilomètres par la D 70 puis la D 17 (en direction de Flers). Cette « curieuse » gorge vaut en effet le déplacement car elle doit à son histoire de marier nature et artifice, eaux vives et industrie, ravins boisés et usines… Ce mariage insolite commence en pleine campagne par la traversée de la grande carrière du Plafond (Sainte-Honorine-la-Chardonne) où les cornéennes sont toujours exploitées activement. Puis il continue, sur Athis-de-l’Orne et Saint-Pierre-du-Regard, aux portes de Flers, par une enfilade de fabriques perdues au fond d’une vallée pittoresque parcourue par un torrent aux eaux fougueuses. À l’origine, c’est bien la Vère qui attire en ces lieux aujourd’hui « sauvages » d’abord des moulins, puis des manufactures hydrauliques spécialisées dans le tissage et la filature.
Il faut dire que la région possède une très ancienne tradition textile, avec de nombreux ateliers disséminés dans les campagnes et travaillant la laine de mouton, mais aussi le lin et le chanvre cultivés localement. Avec la Révolution industrielle, commence l’âge d’or de la transformation cotonnière qui pour longtemps fait la richesse du pays de Flers… Après son déclin, les installations sont reconverties, notamment pour servir les besoins des filières navale, dès la fin du 19e siècle, puis automobile : le tissage des toiles se mue rapidement en filature de l’amiante qui, dans les années 60 (plaquettes de freins…) emploie près de 2 500 salariés dans le canton d’Athis et à Condé-sur-Noireau situé à peine à 5 km. La poussière d’amiante, à l’aspect de neige, recouvre bientôt les gorges de la Vère et la vallée blanche va se transformer en « vallée de la mort » ! Suite aux manifestations et scandale dénonçant la manipulation sans protection de ce produit particulièrement dangereux (fibres cancérigènes), l’activité a été interdite. De nos jours, les usines toujours présentes sur le site sont engagées dans d’autres orientations et la vallée, partiellement réhabilitée, offre aux visiteurs un cadre rupestre et les vestiges d’un passé inscrit entre gloire et disgrâce.
LE MONT « FLEURI » DE CERISY
Cerisy-Belle-Étoile, Saint-Pierre-d’Entremont (Orne)
À voir à moins de 30 km : Flers, Vire, les cascades de la Vire, Chaulieu, la cluse de Pontécoulant, Clécy et les Rochers des Parcs, Pont-d’Ouilly, les Gorges du Noireau et Pont-Erembourg, la Roche d’Oëtre et les Gorges de la Rouvre, les méandres de Rouvrou, le Marais du Grand-Hazé
Revenons pour conclure, sur une union moins mouvementée (quoique…) : celle du granite et de son auréole métamorphique. Ainsi, dans les Gorges de la Vère, le contact n’est jamais très éloigné, au point même que la rivière le suive sur plus de deux kilomètres, des manufactures de la « Petite Suisse » à celles des environs du Pont Grat. En moyenne, la largeur de la ceinture de cornéennes est alors d’environ 2 kilomètres.
Pourtant, vers l’amont du cours d’eau, elle s’élargit progressivement pour atteindre les 10 kilomètres, entre Flers et Saint-Pierre-d’Entremont (Orne). Ce renflement traduit certainement la présence de plutons toujours enfouis, mais assez proches de la surface. Cette thèse est d’ailleurs accréditée par la saillie du tout petit massif granitique de Cerisy-Belle-Étoile, sorte d’îlot granitique baigné par « la mer » de cornéennes qui l’entoure de toutes parts.
Ce mamelon (246 m) domine de plus de 120 mètres (plusieurs belvédères) la jolie vallée du Noireau que l’on peut suivre, sur son flanc nord, par la petite route de la Roche et des Vaux (par la D 18 et Noirée).
Situé à 8 km au nord-ouest de Flers, le Mont de Cerisy, coiffé d’un château ruiné et littéralement tapissé de rhododendrons, est une destination prisée. Outre la « fête des rhodos » (dernier dimanche de mai), le site offre de nombreux services : bar-restaurant, plan d’eau, mini-golf, pique-nique et, bien entendu, ascensions et randonnées très florales…
C’est donc sur cet îlot de granite et la ceinture métamorphique occidentale que s’achève notre virée en Suisse Normande.