Discographie Souchon Voulzy

•  Alain Souchon est né le samedi 27 mai 1944 à Casablanca.
• Laurent Voulzy est né le samedi 18 décembre 1948 à Paris.
• Première guitare d’Alain Souchon : à 15 ans, en 1959, achetée par l’artiste rue de Rome.
• Première guitare de Laurent Voulzy : à 15 ans, en 1963, un cadeau de Noël offert par sa mère ; on peut d’ailleurs voir cette guitare sur la pochette de l’album « Avril ».
• Goût de l’écriture chez Alain Souchon : hérité très certainement de sa mère qui a écrit, sous le pseudonyme de Nell Pierlain, des romans sentimentaux aux éditions Tallandier.
• Première réussite de Laurent Voulzy : en 1967, il remporte un radio crochet organisé à Saint-Brévin-les-Pins avec une de ses premières chansons intitulée « Timide ».
• Première réussite d’Alain Souchon : il remporte le prix spécial de la critique et le prix de la presse au concours de la Rose d’or d’Antibes de 1973 avec la chanson « L’amour 1830 ».
• Premier grand succès d’Alain Souchon et de Laurent Voulzy : « J’ai dix ans » devient un véritable « tube » qui lance véritablement les deux artistes dans le monde de la chanson.

Alain Souchon. La vie c’est du théâtre et des souvenirs, Jean-Dominique Brierre, 2024, éditions Archipel, EAN 9782809849325

Alain Souchon. Rien ne vaut la vie, Thomas Chaline, 2023, éditions édi8, EAN 9782324034107

Alain Souchon Biographie en musique, Claude Fléouter, 2018, éditions Michel Lafon, ISBN 978 2 7499 2752 7

Laurent Voulzy. Mes cathédrales, 2021, éditions Stock,

ISBN 978 2 2340 8846 7

Laurent Voulzy Authentique, Alain Wodrascka, 2017, City-Editions, ISBN 978 2 8246 0933 1

Alain Souchon, Laurent Voulzy : destins et mots croisés, Alain Wodrascka, 2005, éditions Carpentier, ISBN 978 2 8416 7346 9

Site d’Alain Souchon : https://www.alainsouchon.net/

Site de Laurent Voulzy : https://www.laurentvoulzy.com/

Site d’Alain Souchon et Laurent Voulzy : https://www.souchonvoulzy.fr/

Wikipédia AlainSouchon : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Souchon

Wikipédia Laurent Voulzy : https://fr.wikipedia.org/wiki/Laurent_Voulzy

Chronique Alain Souchon / Laurent Voulzy 1974-2024 : https://www.ce-labadille.com/souchon-voulzy-chronique-1974-2024/

Critique des albums d’Alain Souchon et Laurent Voulzy. Marco Stivell, Forces parallèles, http///fp.nightfall.fr

Albums « studio » (sans les albums live et les compilations). Titres en gras italique : chansons présentées dans cette chronique

par C E Labadille, décembre 2023

L’énumération de tous ces titres a peut-être de quoi déprimer ! Son intérêt est pourtant de s’y retrouver dans une œuvre touffue, de ne pas se perdre dans la forêt, d’y trouver des repères et de pouvoir, d’un seul coup d’œil, embrasser le temps passé et les chansons associées (chronologie). Mais il y a peut-être une autre utilité, plus cachée cette fois…

Un titre, c’est le condensé d’une chanson avec, en peu de mots, ce qu’on veut y dire, ceux qu’on veut sous-entendre, ce qu’on veut omettre. Un titre, c’est la première de couverture d’un bouquin, c’est elle qui va interpeller le lecteur, c’est elle que se réserve souvent l’éditeur car le nombre des ventes en dépend. Un titre, c’est même une œuvre d’art qui suit des modes, s’en écarte, innove : il y a donc des titres ringards, des titres faciles, des titres banals, des titres originaux, des titres surprenants…

Alors qu’expriment les titres d’Alain Souchon et Laurent Voulzy et révèlent-ils leurs idées, leur personnalité et leurs souhaits artistiques ?

Pour le savoir, il suffit de faire un peu le « naturaliste » et de « ranger » ces titres de chansons par grandes catégories, à la manière de ce cher Linné qui, sa vie durant, a classé et nommé bien des espèces animales et végétales. Une fois cette « organisation » mise en place, il n’y aura plus qu’à en comprendre la signification, à passer à l’interprétation des résultats. Il n’y aura plus, il n’y aura plus…, c’est vite dit car le point le plus délicat c’est de déterminer, à la simple lecture des titres, les catégories auxquelles ils pourraient appartenir et surtout de trouver le mot juste pour nommer les groupes ainsi formés. Ce premier « dépouillement » amène obligatoirement une part de subjectivité au résultat final ; on voudra bien ne pas nous en tenir trop rigueur, d’autant qu’un titre peut appartenir à plusieurs catégories…    …ou à aucune ! Par ailleurs, rappelons que ce ne sont pas les chansons qui sont classées mais leurs titres, ce qui n’est pas du tout la même chose et ce qui n’est pas non plus du plus facile. Prenons un exemple pour bien comprendre : « Pardon » est rangé dans la rubrique « Confidences » pour ce qui est du titre, alors que c’est une chanson « écolo » pour ce qui est du contenu. Il faut donc bien prendre garde à ce que la connaissance préalable d’une chanson n’influence pas le jugement au moment de classer son titre.

En fonction de leur sens, les titres ont été partagés en trois grandes catégories : celle des émotions ; celle de l’environnement (social et naturel) ; et celle du style (littéraire) ; elles-mêmes divisées en plusieurs sous-rubriques.

Regret, insatisfaction, mélancolie : Never more, J’ai perdu tout ce que j’aimais, On s’aimait, Écoutez d’où ma peine vient, J’aimais mieux quand c’était toi, Les regrets, L’horrible bye-bye, Comédie, Toto 30 ans rien que du malheur, L’amour en fuite, J’attends quelqu’un, J’étais pas là, Les nuits sans Kim Wilde, Bungalow vide, Petit

Contestation, résignation, dégoût social : C’est comme vous voulez, Jamais content, On s’aime pas, Le dégoût, Et si en plus y’a personne, Un terrain en pente, C’est déjà ça, Qu’est-ce qu’ils ont les hommes, T’aurais dû venir

Provocation, impertinence, trivialité : Sous les jupes des filles, Plaisir solitaire, J’veux du cuir, I want you, Désir désir, Hé ! P’tite blonde, Les filles électriques, Flirt, Cocktail chez mademoiselle

Confidences : Je suis venu pour elle, Pardon, On se cache des choses, Lettre aux dames, Courrier, Petite annonce, Câlin-câline, Timides

Nostalgie : Souffrir de se souvenir, Âme fifties, Il nous reste, Radio collection, Cosy corner, Papa mambo, Y’a d’la rumba dans l’air, L’amour 1830

Peur, craintes, isolement : Ultra moderne solitude, Quand j’serai K.O., On s’ennuie, Tout me fait peur, Un coin de solitude, Restons chez nous

Utopie, projets : La neuvième croisade, On avance, Rêveur, Le monde change de peau, Saute en l’air, Partir, Je suis un voyageur

Mystère, hermétisme : Le mystère, Caché derrière, A7708, Aut’ chose

Le groupe des affects paraît bien traduire les personnalités de nos deux auteurs et la réputation qu’ils se sont forgée au fil des décades. On retrouve bien cette insatisfaction, cette mélancolie qu’ils se sont collés à la peau, en fait, un signe du temps… Mais si les temps sont de plus en plus violents, brutaux, fanatiques, on ne retrouve pas ici cette colère ; elle est souvent masquée par l’ironie, la dérision, le second degré. Le dégoût et la résignation la remplacent et, en fait, la vraie contestation est rare. Il n’y a pas loin à ce que cette désillusion ne se transforme en peur, en crainte concernant l’avenir et, bien entendu, en nostalgie lorsqu’on jette un regard en arrière.

Le sentiment amoureux n’est pas déclaré, c’est presque une marque de fabrique. Donc pas de titres d’amour et, comme chez bien des timides, des pudiques, le message passe par la subtilité, la confidence ou, et ce n’est pas une nouveauté, par une provocation revendiquée comme novatrice.

Si le mystère, l’introspection concernent quelques titres de Laurent Voulzy, on est assez surpris dans l’ensemble de trouver si peu d’intitulés liés à la sérénité, à la tranquillité ; il est vrai que ces sentiments sont plutôt associés, dans l’intériorité des deux hommes, à une notion d’environnement naturel (voir plus bas). Les projets, les envies, voire les utopies, sont présents mais bien moins que ne le sont les regrets. Enfin, certaines valeurs sont absentes du programme proposé, comme l’enthousiasme, l’excitation, l’exaltation, mais faut-il s’en étonner ?

Individus nommés : Karin Redinger, Peggy, Irène, Amélie Colbert, Ballade de Jim, Lisa, Lily Peter, Billy m’aime, Lucienne est américaine, Lulu, Les interrogations d’Elizabeth, Loulou doux, La p’tite Bill est malade

Personnages : Jésus, Une héroïne, Bad boys, Le marin, Le zèbre, Dandy, Faust, Marchand de sirop, Le p’tit chanteur, La sorcière

Hommages, modèles : La vie Théodore, Consuelo, Mary Quant, Jonasz, Jeanne, Bonjour tristesse, Debussy Gabriel Fauré, Arlette Laguiller, La beauté d’Ava Gardner

Communautés, groupes sociaux : Foule sentimentale, Le pouvoir des fleurs, Une guitare un citoyen, Guitare héraut, Le capitaine et le matelot, Rive gauche, Les papas et les bébés, Plus d’un milliard de filles

Situation géographique : Bélem, Rio, La baie des Fourmis, En Île-de-France, Idylle anglo-normande, En regardant vers le pays de France, Ta plage Beach boy, Belle-Île-en-Mer Marie galante, Portbail, L’océane, Mayenne, Casablanca, Grimaud, Le bagad de Lann-Bihoué, Londres sur Tamise, Sidi Ferouch

Exotisme : En pas oublié’ ou, Meu samba pra voce, En tini, Spirit of samba

Environnement naturel, contemplation : Le ciel et la terre, Dans le vent qui va, Quatre nuages, Les saisons, Le jour la nuit, Le soleil donne, Quand le soleil se couche, La nuit, Sous la lune, Aurore

Faune/flore : Oiseau Malin, Les oiseaux

Matérialisme : Jaguar, Cadillac Cruise, La maison à croquer, Pays industriels, Jukebox, En collant l’oreille sur l’appareil, Ouvert la nuit

Réalisme (sans connotation) : Il roule, Elle danse, Le baiser, Rame, J’appelle, S’asseoir par terre, J’ai dix ans

Objets ordinaires : L’autorail, Le château, Les paquebots, Le tableau, Le miroir, Jelly Bean

L’environnement social est certainement l’un des moteurs les plus puissants de l’œuvre d’Alain Souchon et de Laurent Voulzy. La description de leurs contemporains est d’ailleurs ce qui leur a tant valu l’attachement d’un large public, d’autant que ces communautés peuvent être facilement rattachées aux sentiments, aux émotions qui les animent (groupe I) ! Jugez donc par les titres : pas moins de 13 individus nommés par leur nom et (ou) leurs prénoms ; 10 personnages composant un « bestiaire » populaire et coloré ; 9 modèles de vie, sans parler de différents groupes sociaux qui ont pu nous entourer ou nous entourent encore. On note néanmoins deux grands absents de ce grand tableau vivant. Tout d’abord, les solitaires (bien que les « prénoms » puissent en cacher). En effet, cette vie sociale apparemment débridée n’empêche pas l’isolement, en particulier de l’artiste, mais cet individualisme (contraint ou choisi), les titres n’y font réellement allusion qu’une fois, et encore avec humour : « Les jours sans moi ». Ensuite, il pourrait y avoir les amis, car parler de l’amitié, ne serait-ce pas la moindre des choses pour ces copains de cinquante ans (une paille !) qui, en plus, ont partagé la même passion ? Force est de constater que cette fraternité doit être trop rare pour être étalée au grand jour. Alors, laissons leur jardin secret à ces complices de toujours…

Nos deux artistes sont également fortement attachés à leur identité géographique, même si les lieux cités, on s’en serait douté, sont essentiellement littoraux. En revanche, même si certaines chansons en parlent, il faut bien avouer que l’écologie joue un peu le rôle de parents pauvres dans ce catalogue ! On y trouve pas de désert (alors que « La vie Théodore » aurait pu s’appeler…), on y trouve pas de montagne (pourtant Jean Ferrat avait bien insisté sur l’intérêt de parler de…), on n’y trouve pas la forêt (alors que Marie avait…), on y trouve juste « Les oiseaux » et un « Oiseau malin », un peu maigre comme biodiversité ! Mais ne prêtons pas à la critique facile car nous savons, à l’écoute de leurs chansons (« Le pouvoir des fleurs », « Pardon »…) que dans le fond, Alain Souchon et Laurent Voulzy, comme bien des soixante-huitards, ont le cœur vert. Poursuivons donc…

Les dernières catégories (« objets ordinaires »…) montrent l’intérêt des auteurs pour une réalité de tous les jours, en bref, pour un cadre de vie somme toute assez ordinaire. Malgré les apparences, cette attention n’est pas partagée par tous les auteurs-compositeurs de leur temps, loin de là. En effet, passée la grande époque de la chanson dite « réaliste » s’étalant des débuts du XX^e siècle à l’entre-deux-guerres, une chanson attachée à décrire les quartiers populaires et les conditions sociales difficiles, ce genre est bientôt négligé. La majorité des chanteuses et des chanteurs, peut-être par réaction, est plutôt attirée par le bonheur, l’amour, le rythme, l’envie, le beau et le clinquant. Quand le genre réaliste revient après bien des années, c’est plutôt porté par une intelligentsia. Cette fois, c’est l’ordinaire, le quotidien banal, privé de tout misérabilisme, qui prend du sens. Les titres des chansons sont choisis justement parce qu’ils n’ont pas de signification précise, sont donc déconcertants, voire même iconoclastes : « Il roule », « L’autorail », « Le miroir »… Ce choix se rapproche à coup sûr des avancées littéraires portées par Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute et le Nouveau roman dont les titres : « Les gommes », « Le voyageur », « Le miroir qui revient », « Portrait d’un inconnu », « Tu ne t’aimes pas »…  sonnent comme précurseurs. Ce courant qui s’inscrit dans la recherche d’originalité (la « nouvelle vague » de la chanson ?), cet artifice littéraire qui annonce une volonté de se démarquer annonce notre troisième catégorie.

Titres surprenants, inhabituels : Petit tas tombé, Caterpillar, Oui mais, On s’ramène les cheveux, 8m², Manivelle, Le cœur grenadine, Frenchy bébé blues, 18 ans que je t’ai à l’œil, Allô maman bobo, Poulailler’s song, Petit pois, Sardine, Vous êtes lents, Presque

Titres intriguants, curieux : Le fil, Sans queue ni tête, L’île du dédain, Derrière les mots, La fille d’avril, Slow down, Carib islander, Normandie Lusitania, Popopo, Pourquoi tu t’prépares ?, Liebe, Ricken, Black poule, Bopper en larmes, Au ras des pâquerettes, Tout doux, Chanter c’est lancer des balles, C’était un soir, La compagnie, Nouveau

Titres avec jeu de mots, néologisme : L’amour à la machine, Le rêve du pecheur, Les jours sans moi, J’aime l’amour, Qui dit qui rit, C’était menti, My song of you, Our song, La vie intime est maritime, Jalousie, La fille du brouillard

Titres avec contradiction, paradoxe : Ronsard Alabama, C’était déjà toi, Paradoxal système, Le cantique mécanique, Ici et là, À cause d’elle, Bubble star

Titres argotiques, populaires : Putain ça penche, Bidon, Tailler la zone, Les cadors, Lennon kaput valse, Le gros pétard

Titres ironiques ou avec autodérision : On était beau, On est si beaux, La chanson parfaite, Le galant niais

Titres banals : L’amour est un oiseau, Vos mains de dame, Folle de toi

C’est notre dernière catégorie et l’on peut dire que ses titres traduisent bien l’originalité de nos deux auteurs : sur l’intégralité de leurs chansons, avec plus d’un quart des intitulés construit sur une volonté de surprendre, d’interroger, de provoquer, de contredire, de pratiquer l’ironie et l’autodérision, de jouer avec les mots et de réformer la langue, il est clair que le hasard ou la facilité n’ont pas eu droit à la parole dans le choix des bannières qu’Alain Souchon et Laurent Voulzy souhaitaient porter. Seuls trois titres un peu banals ont été recensés et, datant des tous débuts d’un Laurent Voulzy en pleine recherche de personnalité (1970, chanteur du groupe Le temple de Vénus ; 1972, sortie du premier 45 tours), ils sont tout à fait excusés. Organisée deux ans plus tard (1974) par un directeur artistique de RCA, Bob Socquet, la rencontre avec Alain Souchon remettra vite les pendules à l’heure et fera prendre la mayonnaise : pour Laurent Voulzy, ce sera l’occasion de comprendre l’importance des paroles ; pour Alain Souchon, de saisir le rythme des mots…

Notre route s’arrête là, au terme du 15^ème album d’Alain Souchon et du 9^ème de Laurent Voulzy, donc 24 albums « studio » et environ 240 chansons qui ont accompagné la vie des Français pendant un demi-siècle. Eh oui ! L’année prochaine, en 2024, leur premier tube, « J’ai dix ans » aura 50 ans, un nouveau paradoxe qui ne devrait pas déplaire à nos deux lascars qui se sont toujours plu à marcher à l’écart des sentiers battus et rebattus. Pour notre part, le contrat que nous nous étions fixé fin 2022 est rempli. Avoir suivi l’œuvre de ces deux artistes pendant une année a été un réel plaisir et une source d’enseignement : un réel plaisir parce que l’analyse de leur répertoire nous a livré beaucoup de très bonnes chansons ; une source d’enseignement parce qu’au fil des notes et « derrière les mots », on a toujours quelque chose à dégoter, à découvrir ! Alors, mine de rien, « on avance, on avance »…

C E Labadille, décembre 2023