Recollection, Laurent Voulzy 2008
Publié le 27 juillet 2023, par Charles-Erik LabadilleL'album Recollection
Nous aurions pu « sauter » cet opus dont l’esprit ressemble plus à celui des super maxi 45 tours des années 70-80. Mais c’est aussi un album studio avec des chansons originales, alors enfilons le bleu de chauffe et mettons-nous au travail pour en dire un petit quelque chose ; un petit quelque chose seulement car à côté de ces quelques titres nouveaux, il y a beaucoup de reprises, alors pas la peine de nous répéter non plus. Disons d’emblée pour préciser notre pensée que Recollection a certainement de quoi intéresser les amoureux, les passionnés, les experts de Voulzy, peut-être moins les auditeurs lambda…

Cet album qui paraît en 2008 est d’abord une « reprise de reprises » puisque c’est une sorte de remix du fameux « Rockollection » créé une trentaine d’années plus tôt (1977), avec déjà plusieurs variantes à son actif. Recollection sort, et c’est peut-être son tort, deux ans après La septième vague, également un album de reprises qui, dans le fond, nous avait agréablement surpris car nous nous étions bêtement habitué au couple d’auteur-compositeur Souchon-Voulzy. Cette « dernière houle » avait donc eu l’intérêt de nous dévoiler un petit coin de l’univers affectif et personnel de notre chanteur, tout en nous révélant ses goûts et ses talents d’interprète. Cette fois, et si près de La septième vague, il faut reconnaître qu’on sature un peu sous le nombre des « morceaux choisis », et que se dessine sinon l’impression de « ficelle » à nouveau tirée, du moins celle de « relative » facilité de l’exercice (comparée bien entendu aux affres de la création…). Comme le dit Marco Stivell (Forces parallèles, 2017) : « Tel un jukebox qui ne s’arrête jamais pendant 45 minutes, le morceau est étiré… ». Que peut-on ajouter ? On ne peut pas dire que ce ne soit pas bien fait, non, techniquement, ça tient la route, c’est du Voulzy, quoi ! Mais le principe même du « pot-pourri » ne peut, à la longue, qu’entraîner une baisse de l’attention de l’auditeur et parfois, quelques dérives du musicien : on pense en particulier à la trop longue impro sur le tube du groupe Canned heat : « On the road again » ; ou encore au très long électro-disco « Sous la Lune », musique lounge et paroles anglaises qui passeraient très bien en boîte de nuit mais qui nous entraînent très loin du Voulzy-Souchon que nous affectionnons… Pour conclure, on peut penser que le chanteur, peut-être face à une petite baisse de créativité, cherche ici à optimiser le capital acquis au fil des années en le transformant en une sorte d’autobiographie. En fait, nous-mêmes, que faisons-nous donc de si différent avec cette Chronique ? Nous utilisons également des petits morceaux de vie choisis !

Dans le vent qui va, Laurent Voulzy, Alain Souchon, tonalité LA majeur
Commençons par deux titres originaux et sympas qui débutent l’album, tout d’abord « Dans le vent qui va » :
« Car des notes nous viennent Un jour on ne sait pas pourquoi
Par les monts par les plaines S’envolent dans le vent qui va »
Dans le vent qui va, Laurent Voulzy 2008, extrait
On retrouve là le fin mélodiste Laurent Voulzy qui montre, une fois encore, que la simplicité est belle. C’est une jolie mélodie en LA majeur, sur quatre accords : RÉ2 (IV), LA (I), MI (V), SIm (IIm) qui nous emportent avec ce bon vent qui vient, qui va… En est-il autrement pour le parolier qui avec un peu de ce même vent, peu de mots et quelques notes compose un hymne quasi universel ? Une sorte de chanson traditionnelle qu’on a toujours chantée, sans le savoir, sans la connaître… Il y a là aussi une courte réflexion (on ne peut pas plus concis !) sur le mystère de la création artistique qui restera toujours aussi étonnant !
C’est la première apparition de ce « Dans le vent qui va ». Il sera repris dans l’album Le concert (2016).

Jelly Bean, Laurent Voulzy, Alain Souchon, tonalité SOL majeur (et DO)
Jelly Bean est un second titre « épuré » et qui fonctionne parfaitement : une mélodie construite essentiellement sur la note si, deux accords avec 4 mesures sur chacun : SOL (I), DO7M (IV7M) et le tour est joué ! Malgré cette simplicité, le morceau affiche pourtant une certaine originalité car, chose qui n’est pas très fréquente, le chant démarre sur le DO7M et souligne en permanence sa septième majeure (si) ; cet « intervalle » de 7M, nous l’avions signalé, laisse une impression de flottant, d’inachevé, bref de romantique qui convient parfaitement à une chanson « souvenir », pleine de nostalgie.
Jelly bean, Laurent Voulzy 2008, extrait
C’est donc avec cette rengaine heureuse que commence la partie autobio qui doit annoncer la nouvelle mouture de Rockollection. Le bonbon haricot, « Jelly bean », petite confiserie sucrée et colorée, sert d’emblème à cette période centrée sur la prime jeunesse du chanteur, une confession qu’apprécieront sans nul doute ses fans :
« Au début rue Saint-Georg’ Paris neuvièm’
J’avais cinq ans des ballons des choux à la crèm’
On était seuls avec ma mèr’ Tous les deux célibatair’
You know what I mean Jelly Bean »
Confidences, confidences, elles continuent tout au long du titre et l’auteur, quitte à perdre des clients, n’hésite pas à dévoiler des sentiments profonds mais moins partagés :
« Les fill’ aim’ les mecs qui font les cak’ en boît’
Moi ell’ ne me trouvaient pas adéquat
Les voitur le foot J’en avais rien à foutr’
You know what I mean Jelly Bean »
Quittons Jelly bean en musique : peut-être un peu honteux de ses deux accords en boucle sur l’essentiel du titre, Laurent Voulzy nous prépare une petite surprise pour l’ultime fin du morceau, comme pour nous dire : voyez, je suis capable d’autre chose mais, nananère, je ne l’ai pas fait car la chanson est bien comme ça. On quitte donc in extremis la tonalité de SOL majeur, pour passer en DO avec une coda (passage terminal) plus compliquée et une palanquée de changements d’accords : RÉ, RÉ, DO, FA, SOL, DO, FA/SOL7, DO/RÉ, SOL, DO, FA, DO/RÉ.
Radio collection, Laurent Voulzy
Rockollection 008, Laurent Voulzy, Alain Souchon
A7708, Laurent Voulzy, Alain Souchon
Rockollection scène 10, Laurent Voulzy, Alain Souchon
« Radio collection »
est un intermède-fantaisie d’1 min 29 qui annonce « Rockollection 2008 ».
Cette nouvelle version 008 de 15 min 43 est construite sur le même principe que la chanson de 1977 : des couplets originaux autobiographiques qui encadrent des reprises de tubes des années 60-70. Cette performance studio est l’occasion de découvrir 4 couplets qui n’étaient pas dans la version originale, et pas moins de 22 nouvelles reprises de groupes planétaires parmi lesquels : The Beatles, The Rolling Stones, The Beach Boys, The Bee Gees, The Who, The Kinks, The Birds… Ce medley met en lumière, une fois encore, le tour de main de l’artiste et une somme colossale de travail.
« A7708 » (3 min 14), collé à Rockollection 008
mais dans une veine plus électro-pop, est un ajout sur le thème du temps et de la vie qui passent, le présent qui se change en passé, le passé qui revient en mémoire, inexorablement :
« Ainsi va la vie les années pass’ Les années s’entass’
60, 70, 80, 90, 2000 c’était demain c’est là le mystèr’ Tim’
Car c’est demain qui devient hier… »
« Rockollection scène 10 »,
enchaîné avec l’extrait précédent et pour conclure, est un couplet inédit :
« Aujourd’hui dans ma vie il y’a beaucoup de soleil Mais tout au fond de moi je suis resté pareil
Bien sûr je vais chanter pour êtr’ aimé par les gens Mais je me laiss’ envoler chaque fois que j’entends Un’ petite fill’ chanter… »
Ce passage est suivi par la reprise de « Vidéo killed the radio star » des Buggles (1979) qui conclut donc Rockollection 008.


Les interrogations d’Elisabeth, Laurent Voulzy
Cet Interlude musical (40 secondes qui annoncent le titre suivant) démarre comme une musique de film hollywoodien, avec beaucoup de violons, de romantisme et aussi de nostalgie. Elisabeth (Taylor ?) s’y pose effectivement des questions, mais lesquelles ? Car dans la bande-son proposée, hormis le « I wonder if » de départ, le « Yes mummy » du milieu et le « jukebox » final, nous n’y entendons pas grand-chose ? Il faut dire que nos notions d’anglais ne datent pas d’hier !
Jukebox
Laurent voulzy n’est vraiment pas avare, ni de son temps, ni de ses efforts, et ni de ses sous. En effet, cette fois, il nous propose 12 nouveaux extraits de hits des années 70-80, mais dans un collage « brut », c’est-à-dire sans les compositions originales (musiques Voulzy, paroles Souchon) qui servaient, dans le « Rockollection » de 1977, de transitions et de tremplins aux passages de morceaux choisis essentiellement dans le répertoire anglo-saxon. Ni de ses sous… Pourquoi ? Eh bien pas de compositions originales, pas d’auteur et de compositeur pour Jukebox, pas de dépôt SACEM et donc pas de droits d’auteur ! Ce jukebox de 11 min 35, ou plutôt ce karaoké où l’on a souvent bien du mal à retrouver le timbre de Laurent Voulzy noyé dans un ensemble vocal propre mais plutôt anonyme, se conclut, comme nous l’avons déjà signalé, par la très longue impro (4 min 10) sur le « On the road again » du groupe Canned Heat. On a beau aimer Woodstock et savoir que le groupe y a tenu son « Encore sur la route » plus de 10 minutes, 40 années plus tard, il faut peut-être savoir descendre du Combi Volkswagen pour s’arrêter à temps…
Sous la lune, Laurent Voulzy, Franck Eulry
Comme nous l’avons dit en commençant, ce « Sous la lune » très branché à l’air du temps (de ces années-là) et bien long (7 min 06) n’est pas notre morceau favori.
Donc au final, il faut prendre Recollection pour ce qu’il est, un album de remix et ne pas y chercher l’émotion que pouvait déclencher 30 ans plus tôt l’idée inédite de Rockollection, c’est-à-dire d’associer les étapes d’une vie (correspondant aux couplets originaux) aux musiques qui les avaient bercées à cette époque. Dans cette combinaison, on peut d’ailleurs se demander ce qui, avec le temps, reste le plus intéressant ? Les couplets biographiques ou les extraits de morceaux anglophones. S’il s’agit des premiers, il ne faut peut-être pas chercher plus loin la cause de cette fausse route de 2008 qui rassemble au total pas moins de 35 reprises !
